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pour se réaliser lentement, les conditions de la grande industrie, dont vont dépendre, pour partie, les conditions mêmes de l’État moderne. Dès l’an III, les sociétés par actions, naguère traquées, reparaissent. On recommande le placement en commandite, qui, sous l’ancien régime, avait été très en faveur, à Lyon, par exemple, et qui contribue alors au succès de la manufacture de Saint-Gobain. La loi du 30 brumaire an IV (21 novembre 1795 ayant abrogé celle du 24 août 1793, les compagnies et associations commerciales refleurissent. A vrai dire, un rapport du 1er messidor an XI (20 juin 1803) établit que, même à cette date, la grande industrie n’existait guère chez nous, que le machinisme y était encore d’un usage très restreint ; » et Peuchet, dans sa Statistique élémentaire de la France, qui est du reste un document des plus utiles, s’embrouille peut-être un peu quand il distingue entre « la manufacture » et « la fabrique. » Des établissemens assez importans sont fondés, notamment pour le filage du coton. En 1797, Delaitre et Noël occupent à l’Epine, près d’Arpajon, 160 ouvriers, dans une filature, mue par la force hydraulique, où l’on compte 96 métiers et 2 200 broches. 160 hommes également à Gonneville, dans une manufacture, construite à cinq étages, pour 950 broches. Le Belge Liévin Bauwens dérobe aux Anglais les secrets du mull-jenny et les répand en France. Toutefois, les trois quarts des fils de coton sont encore produits à l’aide du rouet. La laine, le chanvre et le lin, eux aussi, sont en général filés au rouet ; le lin et le chanvre, surtout, continuent d’être filés à la campagne par les anciens procédés. De même, la bonneterie n’avait pas cessé de se servir du métier classique, dit métier français, installé au château de Madrid par Jean Hindret, en 1636. Bien que nous touchions au jour où François Richard et Lenoir-Dufresne, bientôt célèbres sous la raison sociale Richard-Lenoir, créeront leur fabrique de basin, ce qui manque le plus, c’est le moteur mécanique. Presque tout l’outillage consiste en machines de bois, que font tourner ou l’homme, ou le cheval, ou le vent, ou la chute d’eau. La machine à vapeur, à peine sortie de l’enfance, n’est encore qu’une curiosité. Les frères Périer en avaient installé, à simple et à double effet, dans leurs moulins à blé de l’ile des Cygnes. On citait une machine à vapeur actionnant une machine soufflante aux fonderies du Creusot, une autre à la fonderie de canons de Pont-de-Vaux,