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France perde subitement ses cinquante premiers physiciens, ses cinquante premiers chimistes, ses cinquante premiers mécaniciens ; ses cinquante premiers ingénieurs, ses cinquante premiers architectes..., ses cinquante premiers banquiers, ses deux cents premiers négocians, ses six cents premiers cultivateurs..., ses cinquante premiers menuisiers... » etc. « faisant en tout les trois mille premiers savans, artistes et artisans de France... La nation deviendrait un corps sans âme à l’instant où elle les perdrait. Il faudrait à la France au moins une génération entière pour réparer ce malheur. » Maintenant, « passons à une autre supposition. Admettons que la France conserve tous les hommes de génie qu’elle possède dans les sciences, dans les beaux-arts et dans les arts et métiers, mais qu’elle ait le malheur de perdre, le même jour, Monsieur, frère du Roi, Mgr le Duc d’Angoulême, Mgr le Duc de Berry, Mgr le Duc d’Orléans, Mgr le Duc de Bourbon, Madame la Duchesse d’Angoulême, madame la Duchesse de Berry, madame la Duchesse d’Orléans, madame la Duchesse de Bourbon, et mademoiselle de Condé ; qu’elle perde en même temps tous les grands officiers de la couronne, tous les ministres d’Etat, avec ou sans département, tous les conseillers d’Etat, tous les maîtres des requêtes, tous ses maréchaux, tous ses cardinaux, archevêques, évêques, grands vicaires et chanoines, tous les préfets et sous-préfets, tous les employés dans les ministères, tous les juges, et, en sus de cela, les dix mille propriétaires les plus riches parmi ceux qui vivent noblement. Cet accident affligerait certainement les Français, parce qu’ils sont bons, parce qu’ils ne sauraient voir avec indifférence la disparition subite d’un aussi grand nombre de leurs compatriotes. Mais cette perte des trente mille individus réputés les plus importans de l’État ne leur causerait de chagrin que sous un rapport purement sentimental, car il n’en résulterait aucun mal politique pour l’Etat. » En réalité, « l’espèce humaine, politiquement parlant, est encore plongée dans l’immoralité,... la société actuelle est véritablement le monde renversé,... puisque, dans tous les genres d’occupation, ce sont des hommes incapables qui se trouvent chargés du soin de diriger les gens capables. » D’où la formule : « De chacun selon ses forces, à chacun selon sa capacité. » D’où la maxime, l’axiome : « Toutes les institutions sociales doivent avoir pour objet l’amélioration physique et morale de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. »