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d’où l’origine d’Abano comme lieu de repos, ἄπονος. C’est là aussi que Cornélius aurait eu la vision prophétique qui lui permit de prédire la victoire de Pharsale. Ce qui est sûr, c’est que déjà Claudien, au IVe siècle, fait de ces bains un éloge pompeux.

Après Battaglia, enfouie dans ses verdures, la route se rapproche encore des collines que domine, à plus de 600 mètres, le mont Venda ; et, très vite, on arrive à Monselice. La ville est resserrée entre le canal, la Rocca qui la surplombe à pic, et ses vieilles murailles crénelées, par endroits assez bien conservées ; il semble, tant elle est ramassée sur elle-même, qu’on pourrait la tenir dans la main comme la tourelle de sainte Barbe. C’est une antique bourgade, qui eut quelque importance avant la domination de Rome ; on y a trouvé des vestiges de l’âge de pierre et beaucoup d’objets en silex provenant de la Rocca d’où la cité a tiré son nom : mons silicis. Sur ce roc escarpé, subsistent encore quelques restes des fortifications que fit élever Ezzelino, le fameux tyran de Padoue. L’aspect de la colline est des plus pittoresques, surtout quand on arrive par la route de Padoue. Une ligne de cyprès barre l’horizon, escaladant le ciel ; parmi eux, l’unique parasol d’un pin prend une valeur extraordinaire sur le bleu profond de l’azur.

On peut voir, à Monselice, plusieurs églises, un vieux château médiéval aux murs rouges tout couverts de lierre, et surtout, sur le flanc de la Rocca, un sanctuaire célèbre composé de sept chapelles. L’ensemble formé par les constructions, les terrasses, les escaliers et les arbres, est des plus curieux. De nombreux pèlerins visitent chaque jour ces chapelles auxquelles le pape Paul V accorda, en 1605, les mêmes indulgences qu’aux sept églises de Rome. On prétend qu’elles furent dessinées par Scamozzi et décorées par Palma le Jeune ; malheureusement, le délabrement des peintures ne permet guère de se faire une opinion. D’ailleurs, ce ne sont point des impressions d’art que je suis venu chercher. Par ce bel après-midi d’automne, je préfère monter jusqu’au bois qui couronne la colline. Le délicat feuillage des pins tamise le soleil qui déjà décline. Entre les troncs résineux, la vue s’étend dans toutes les directions. Au Nord, derrière les bosquets de Battaglia et d’Abano, se profilent les tours et les coupoles de Padoue ; au Midi, les grandes vallées de l’Adige et du Pô, rayées d’une multitude de chemins et de canaux, s’assoupissent dans la brume qui monte