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Il n’a qu’une ressource, qui est de faire assassiner le calife. Il charge de cette commission Haji, qui accepte sans aucune espèce de scrupule.

Et ce tableau n’est rien auprès de celui qui suit. Le palais du wazir est un taudis, si vous le comparez à celui du calife qui maintenant ouvre devant nous sa grande salle, richement décorée, d’où la vue, par de larges baies, se prolonge en des perspectives bleutées. Le calife rend la justice, à moins qu’il ne tienne son Conseil des ministres. Pour égayer un peu cette séance austère, on introduit un faiseur de tours, qui n’est autre qu’Haji. Il tente de poignarder le calife, mais comme il est novice dans le métier, il manque son coup et les policiers l’emmènent en prison, ce qui est, de la journée, la première chose qu’il n’ait pas volée.

A quoi bon poursuivre l’énumération de ces tableaux : la prison, le harem de Mansour, la mosquée ? Il suffit de répéter que chacun en son genre est un chef-d’œuvre de pittoresque. A quoi bon dire comment se termine l’aventure d’Haji ? Elle n’intéresse personne, et il faut bien en convenir. Je pense que j’ai rendu au décorateur et au costumier un assez complet hommage ; mais, puisque nous sommes au théâtre, il est bien impossible de ne pas tenir compte de l’impression que produit au théâtre cette prestigieuse exhibition. Et, ici, il n’y a qu’un mot qui serve : c’est l’ennui.

Un ennui morne règne dans la salle, tandis que, sur un accompagnement monotone et lent de vagues musiques pour danse du ventre, défile l’interminable procession de personnages quelconques aux beaux costumes. Je ne nie pas que quelques dilettanti, amoureux des jeux de nuances et des harmonies de couleurs, n’y puissent trouver une vive jouissance. Mais combien sont, dans une salle de spectacle, ces connaisseurs, doués à l’extrême du sens artiste ? Et ceux-là mêmes ne préféreraient-ils pas se promener à loisir, au milieu de ces merveilles, dans quelque exposition ? J’entends bien que Kismet est une féerie, et qu’il ne faut pas chercher malice aux féeries, quoique, depuis l’Oiseau Bleu, la mode soit d’y découvrir une forêt de symboles. Mais alors, qu’on nous rende la Biche au Bois et le Pied de Mouton ! Une féerie s’adresse aux enfans, et ce qui manque cruellement à celle-ci, c’est le caractère bon enfant. Il y faut de la gaieté, de la fantaisie, des trucs divertissans ; celle-ci est triste, tout à la fois frivole et grave. Enfin, quels que soient notre âge et nos goûts, nous tous qui allons au théâtre, c’est pour y être au théâtre et non au musée du costume.

Si l’on voulait maintenant rechercher par quel chemin et par quelles