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bonnes pour que le conflit soit écarté : jusqu’ici, il s’est efforcé, avec un grand esprit de sagesse, d’éviter un choc, tout en sauvegardant les intérêts qu’il considère comme indispensables à la sécurité de l’Autriche et à l’avenir de sa politique. Il a fait, à la paix européenne, des sacrifices qui lui sont durement reprochés par ses adversaires et dont il convient que l’Europe, et même les Serbes, lui soient reconnaissans. Pour juger une politique, il faut tenir compte des difficultés au milieu desquelles elle est faite. La situation du comte Berchtold est à la merci d’une maladie du vieil Empereur ou d’un incident de frontière. Les vexations dont se plaignent avec raison les Serbes : monitors autrichiens devant Belgrade, projecteurs fouillant, la nuit, le territoire serbe, exercices de tir au canon sur la Save et le Danube en face de Belgrade, ont évidemment pour but, dans l’esprit de ceux qui les font naitre, de créer un incident, de pousser à bout la patience des Serbes et représentera l’Empereur que l’honneur de ses armes est engagé. Ceux qui le connaissent savent que ce serait le seul moyen de faire fléchir ses résolutions pacifiques. C’est dans ce dessein que l’on a démesurément grossi l’affaire Prochaska, jusqu’à ce qu’il ait été démontré que l’honneur du consul d’Autriche à Prizrend était intact comme celui de la monarchie.

Ces dissensions intestines, cette dualité de tendances dans la direction de la politique austro-hongroise sont, pour l’Europe, un motif permanent d’alarme. L’Autriche est prête à la guerre, il suffirait d’un incident pour la déchaîner, et le fait que le Cabinet de Vienne a obtenu satisfaction sur tous les points essentiels, ne suffit pas à dissiper l’inquiétude générale. Les ministres de François-Joseph et l’Empereur lui-même ont déjà donné des preuves d’une grande sagesse ; mais ne seront-ils pas un jour débordés par les événemens ou entraînés par l’ardeur du parti militaire ?


V

La presse et l’opinion, depuis quelques semaines, ont sévèrement apprécié la politique du Cabinet de Vienne ; même en Allemagne, on l’a rendu responsable, non sans quelque acrimonie, de la prolongation du malaise dont toute l’Europe souffre. Une telle appréciation n’est pas exempte d’injustice.