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quelques-uns des ordres religieux. Mieux valait préférer ce bien présent et certain à l’attente d’un espoir douteux et incertain. Les évêques redoutaient que l’exercice du droit de veto n’amenât une dépravation du clergé. Léon XIII, plus rassuré, leur rappelait que leurs prêtres avaient donné des preuves d’intégrité et de force, et qu’il dépendait d’eux, pour l’avenir, de bien élever leurs clercs. Quant aux conflits qui pourraient survenir à l’occasion d’une nomination de curé, il avertissait Krementz que le Saint-Siège allait concerter avec les ministres prussiens la façon pratique dont ils seraient résolus. Bref, le projet de loi, tel quel, ouvrait les voies à la paix, et Léon XIII déclarait nécessaire que le Centre le votât.

Ainsi parla le Pape : les évêques et le Centre, officiellement, rentrèrent dans le silence. Il y eut une feuille catholique pour déclarer que le Centre, après dix-sept ans de souffrances, avait été renié par le Pape ; il y eut une grande ville épiscopale où l’on ne trouva aucun prêtre pour prêcher le sermon de la Saint-Léon… Tel membre du Centre déclarait qu’il n’osait plus communier, tant il se sentait en colère contre le Pape. C’était une crise de douleur exaspérée. Rome savait qu’elle serait courte. Et déjà l’on voyait Auguste Reichensperger prendre un air de joie, dire que le Pape avait bien fait d’abréger les indécisions.

L’homme vraiment émouvant, c’était Windthorst ; il y avait tant de souffrances, tant d’amertumes contenues, dans le mouvement, rétif encore, qui lentement le penchait vers l’obéissance. Une lettre du 15 avril vint le rasséréner un peu ; elle venait de Rome, et le signataire, lui aussi, avait souffert et souffrait encore. C’était le cardinal Melchers. Assurément, à Rome, lorsqu’il était admis à parler, il ne parlait pas dans le même sens que Galimberti. Il affirmait à Windthorst que le Saint-Père n’ignorait pas les complexités de la question, et que le Saint-Père estimait le Centre et priait chaque jour pour Windthorst. ; Et le cardinal, déjà détaché des détails de la besogne législative et de la politique religieuse, s’élevait, à la fin de sa lettre, vers une sorte de philosophie de l’histoire ; il s’efforçait de consoler Windthorst en lui expliquant que pour une véritable paix avec l’Église les États modernes n’étaient pas encore mûrs, et qu’il faudrait peut-être, tout d’abord, subir quelque grande catastrophe, nécessaire pour réparer les tristes ravages semés dans la société religieuse par la Réforme et dans la société civile par la