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du Français, de l’Anglais, de l’Allemand, moins encore du Hollandais.

D’ailleurs, le Belge se connaît-il lui-même, ou consent-il à s’avouer son originalité comme un élément dont il puisse tirer de la satisfaction ? Pas toujours. C’est un peu sa faute si le Français l’identifie avec un parler hybride et conventionnel dont on ne voit que l’incorrection évidente, mais dont on ne saisit guère la savoureuse conformité avec un tempérament particulier ; si l’Allemand la confond avec un génie commercial dont Anvers offre l’épanouissement, non sans rendre des points à l’hinterland germanique ; si l’Anglais touriste la restreint au cadre médiéval de Bruges et si, pour les autres, elle est à peine une expression géographique.

Le Belge n’aime pas à parler de lui. Il est indifférent à sa psychologie. Il encourage médiocrement ceux qui cherchent à dégager sa physionomie morale et pittoresque. Pour un peu, il les traiterait de gêneurs et d’outrecuidans.


I

Les paysages de la Belgique sont d’une extrême diversité, si l’on considère l’exiguïté du territoire qui les rassemble. Ils sont l’évolution progressive d’une nature très différente à son départ et à son aboutissement. De multiples raisons commandent de ne point séparer ces paysages des gens qui les habitent, car le Belge apparaît marqué par le climat et la nature du sol où il vit. Évidemment, dans les agglomérations industrielles et commerciales, ces caractères arrivent à se fondre, à se perdre. Cependant, l’homme des villes revient-il aux champs, leur contact lui restitue une conformité atavique avec la terre et le ciel dont il est le produit. Les déformations que lui inflige la vie moderne ne se manifestent pas de la même façon, selon qu’il vient de telle ou telle région. Le mineur du Hainaut, si essentiellement wallon d’aspect, d’esprit, de mœurs, lorsqu’il voit grossir ses rangs d’un apport de garçons des Flandres, leur demeure différent et distant, quelle que soit la durée de la vie de travail commune. Ceux-ci pourront, après dix, vingt, trente ans, regagner leurs plaines basses, il suffira de quelques mois pour que, même physiquement, ils reprennent l’aspect