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hâtons pas, ces produits exotiques viendront bientôt concurrencer les nôtres, non seulement chez nos voisins, mais chez nous.

Pour être complet, j’aurais dû parler aussi de l’importance du froid artificiel dans nombre d’industries, comme par exemple la brasserie qui a été considérablement améliorée par la substitution de la fermentation à basse température à la fermentation haute ; j’aurais dû parler aussi de la récupération parle froid des produits volatils précieux qui naguère, dans la fabrication des poudres, étaient entraînés dans l’air. Mais il faut se borner.


L’exposé qui précède nous donne, après tant d’autres, un nouvel exemple de tout ce que les découvertes de la science peuvent, lorsqu’elles sont appliquées intelligemment, apporter de résultats pratiques à l’humanité. S’il est vrai, comme l’a dit Claude Bernard, que la science a pour but, non pas de nous rendre compte de la nature, mais de nous en rendre maître, il est peu de choses qui soient plus importantes dans la science que les récens travaux sur les basses températures.

La naïve intuition qu’on retrouve si souvent dans le langage populaire semble avoir entrevu ces vertus du froid. Ne célèbre-t-on pas le sang-froid, la froide raison ? Mais le froid n’est pas seulement utiles, il est aussi générateur de beauté. C’est pourquoi l’hiver mérite d’être aimé ; je ne parle point de l’hiver tiède et crotté de Paris, mais du vrai hiver, celui des pays heureux que la neige revêt de broderie. Quand tombent les étoiles hexagonales de la neige, c’est comme un morceau de Voie Lactée qui vient sans bruit nous faire visite. Rien n’est plus charmant, si ce n’est le petit panache bleu qui, de toutes les lèvres, jaillit dans la cristalline transparence d’un matin d’hiver, comme si je ne sais quelles invisibles cigarettes s’étaient allumées aux bouches les plus candides.


CHARLES NORDMANN.