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lequel il est bien inutile de revenir aujourd’hui : il a été jugé de façons très diverses, comme l’ont été d’ailleurs tous les autres rôles, qu’ils aient été joués par ceux-ci ou par ceux-là. L’affaire étant à peu près assoupie, l’événement a prouvé combien il était encore dangereux d’y toucher, même aussi peu que possible, et c’était bien y toucher aussi peu que possible que d’employer le colonel du Paty de Clam dans les conditions éventuelles où on l’a fait. L’intérêt est si mince qu’en temps ordinaire on y aurait attaché une médiocre attention ; il y aurait eu quelques articles de journaux et autant en aurait bientôt emporté le vent. Mais la décision de M. Millerand a été publiée par le Journal officiel une dizaine de jours avant l’élection du Président de la République. M. du Paty de Clam, qui avait attendu sa réintégration pendant huit ans, ne pouvait-il pas l’attendre encore pendant huit jours, c’est-à-dire jusqu’au 18 janvier ? Il est extraordinaire que M. Millerand, qui connaît le Parlement, ne se soit pas rendu compte de l’effet que son acte ministériel allait produire. Il a été tel que M. Millerand a dû donner sa démission. S’il ne l’avait pas donnée, plusieurs autres ministres, ayant M. Pams à leur tête, auraient donné la leur avec fracas. Nous n’en déplorons pas moins vivement qu’il soit parti, qu’on l’ait laissé partir. Il avait, dans toute la force du terme, réussi au ministère de la Guerre ; l’œuvre qu’il y accomplissait avait obtenu l’assentiment du pays et augmenté sa confiance dans l’armée nationale ; l’armée elle-même se sentait plus forte, moralement aussi bien que matériellement ; enfin la popularité que M. Millerand avait acquise avait encore augmenté celle de M. Poincaré. Pourquoi a-t-il fallu qu’un misérable incident, sans signification et sans portée, soit venu compromettre une situation qui semblait si forte ? Rien, à coup sûr, n’est plus regrettable. Espérons que. dans la période où nous allons entrer, la politique générale dominera les incidens de ce genre et les réduira à leur importance véritable, au lieu d’être dominée et dénaturée par eux. Quoi qu’il en soit, les quatre principaux ministres du Cabinet de M. Poincaré ne font pas partie du Cabinet Briand.

Ils ont été remplacés le mieux qu’on a pu. Le choix de M. Briand lui-même s’imposait pour présider la nouvelle combinaison. M. Briand n’a joué aucun rôle actif dans le ministère Poincaré, mais il lui a apporté un concours loyal et dévoué, et nul plus que lui n’avait qualité pour le continuer. Il sera l’orateur de son ministère, comme M. Poincaré l’a été du sien ; il connaît la Chambre ; son talent a de la souplesse, de la séduction, de la force, toutes qualités dont il aura maintes