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Mississipi, aux embouchures duquel Cavelier de La Salle, venu par l’intérieur, fonda, en 1682, la colonie de la Louisiane. Puis, ce furent les belles explorations du XVIIIe siècle, notamment celle de La Varenne de la Vérandrye, inscrivant sur la carte le lac Winnipeg, le haut Missouri, les Montagnes Rocheuses (1731) et esquissant ainsi le futur tracé du Canadian Pacific.

Et il ne peut être question de rappeler, même par une simple énumération de noms, les pointes hardies des baleiniers basques, bretons, normands, qui fouillèrent toutes les anfractuosités de la côte peut-être avant Christophe Colomb, les randonnées des coureurs de bois et des coureurs de prairie se jetant à corps perdu dans la vie sauvage et s’enfonçant vers l’inconnu par les sentiers de chasse et les sentiers de guerre, les aventures pérégrines des missionnaires, des chasseurs de fourrures, des prisonniers échappés au supplice, des évadés de la civilisation, dont la légende dispute les rares souvenirs subsistans à l’histoire.

L’Amérique du Nord, de la baie d’Hudson au Mexique, fut une découverte française. La prise de possession de ces immenses contrées, au nom de la civilisation, est bien l’œuvre de « nos gens, » comme disent si heureusement les Canadiens. Avoir relié les mers boréales au Golfe du Mexique par une immense domination intérieure, c’est un titre de gloire dont la grandeur commence seulement à se découvrir et qui est tout à l’honneur de la « Nouvelle-France. »


La conquête accompagna la découverte : mais ce qu’elle eut de remarquable, c’est que, au Canada du moins, elle se fit du consentement des populations locales : la lutte ne fut sanglante qu’avec les ennemis de nos propres « sauvages. » Inutile de rappeler l’union indissoluble qui exista, de tous temps, entre les Français et les indigènes voisins de leurs établissemens : cette union remonte à la première expédition de Champlain. Tout ce qui dépendait de la France fut rapidement « français. » Les « sauvages alliés » combattirent partout près des soldats et des colons. Ils reconnaissaient, comme leur maître, le grand Ononthio d’outre-mer[1] ; ils se mirent à l’école des missionnaires,

  1. On sait que ce nom d’Ononthio était la traduction du nom d’un des premiers gouverneurs, M. de Montmagny (la Grande Montagne), et qu’il fut appliqué au grand chef lointain des Français, le roi de France, dans le langage habituel des indigènes.