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coulisse crie : « Papa ! » C’est Anne-Marie qui cherche partout son père. Le seul bienfait de sa présence suffit à rafraîchir les âmes et à rasséréner l’atmosphère. M. Guéret fera passer Robert pour son fils, et la mère coupable, le père dupé, le fils révolté ne feront qu’un même cœur. M. Guéret est de bonne composition. C’est Guéret héros et martyr. Et la pièce finit dans des flots de larmes, de sublime et de convenu.

L’Embuscade est très bien montée. M. de Féraudy a composé avec sa science consommée le personnage de l’usinier. Le rôle de Robert est très bien tenu par M. G. Le Roy, un jeune, vraiment jeune, et qui a montré une grande variété de ressources : de la souplesse, du feu, de l’émotion. Mlle Cerny a beaucoup de dignité dans le rôle de la mère, et Mme Robinne s’est montrée extraordinairement séduisante dans un rôle d’aventurière russe. M. Granval s’est taillé un joli succès en dessinant la silhouette faubourienne de l’ouvrier Paget.


A la Renaissance, reprise de l’Enchantement. C’est, si je ne me trompe, la pièce par laquelle M. Henry Bataille débuta il y a douze ans. Une jeune fille est amoureuse de son beau-frère. Celui-ci voudrait écarter la petite malheureuse ; mais sa femme, qui ne veut pas manquer à son devoir de sœur aînée, exige au contraire qu’elle reste en tiers dans le ménage. A la fin le mari, qui est un honnête homme et qui a fait une belle résistance, cède à l’enchantement. Il y a dans cette première pièce des qualités incontestables d’écrivain de théâtre et aussi tout l’artifice et toute la morbidité qui seront les caractéristiques du théâtre de M. Bataille. Quatre heures durant, nous avons le spectacle d’une petite hystérique qui se frôle à son beau-frère, sans qu’il vienne à aucun des personnages l’idée de l’envoyer recevoir la bonne douche qui, en pareil cas, est si indiquée ! Comment nous intéresser aux souffrances, à la jalousie, à la détresse de l’épouse qui a, elle seule, attiré le malheur sur le ménage, puisqu’elle n’a pas accepté cet éloignement de la jeune fille qui s’imposait ?

Mme Berthe Bady est excellente dans le rôle de l’infortunée et gaffeuse Isabelle. M. Dubosc a de la bonhomie, du tact, de la tenue dans le rôle du mari. Et Mlle Renouardt a fait bien ressortir toute l’instinctive perversité de cette petite peste de Janine.


RENE DOUMIC.