Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Car ce bouvier, qu’un vent caresse,
Sent parfois son cœur se noyer
Dans tout ce qu’offre le foyer
D’indépendance et d’allégresse.

Et, sous les cieux déjà pâlis,
Dont les mille bruits vont se taire,
Il reste fidèle à la terre
Où ses morts sont ensevelis.


UN PRIMITIF


Depuis qu’il s’est uni, rude et viril amant,
Guidant le soc tandis qu’au vent flotte sa blouse,
D’une robuste étreinte à la glèbe jalouse,
Nul mieux que lui ne la fertilise ardemment.

Or, nul n’ayant tenu mieux que lui son serment.
Jusqu’à ce qu’au linceul ancestral on le couse,
Ce laboureur sera fidèle à l’âpre épouse.
Et ses lèvres sauront se clore en la nommant.

Oui, jusqu’au dernier souffle et par le moindre pore
A la terre par lui féconde il s’incorpore.
Bien que de tant de peine il ne sache le bout ;

Mais l’unique pensée, hélas ! qui le révolte,
C’est que, soldat rustique, il ne meurt pas debout
Sur le champ où mûrit sa suprême récolte.


POUR DEUX YEUX QUI S’OUVRENT


Nul n’aimera la vie autant que je l’aimais.
Nul, à l’éclosion du printemps, désormais
Ne goûtera, troublé de cette ivresse intense,
Aux dons miraculeux qu’apporte l’existence.
Vois les vierges dessins d’avril sur les talus,
Enfant ; vois les troncs noirs ceints de lierres velu ?