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LES COLOMBES


Le site est si tranquille et si beau qu’on s’attend
A voir surgir un chœur léger d’ombres heureuses.
La brise joue avec l’odeur des tubéreuses,
Et les œufs ont plus chaud dans le nid palpitant.

Le feuillage des longs peupliers d’Italie
S’épanche en un murmure harmonieux et frais.
Quelque vierge, emplissant une cruche de grès,
Puise à la source avec une grâce amollie.

Seul parfois, loin du toit fumeux qu’il a quitté,
Un pâtre primitif, sa mélopée aux lèvres.
Guide un bêlant troupeau de brebis et de chèvres.
Et résume humblement l’agreste antiquité.

Mais, dominant tous les appels venus des combes,
Tous les soupirs jaillis des bois mélodieux.
Gémissent, comme au temps de l’Hellade et des Dieux,
Les nuptiales voix d’invisibles colombes.


EGLOGUE ATTENDRIE


La pluie et le soleil font-ils pour qu’on les vende
L’arôme de l’anis, l’odeur de la lavande ?
L’Eté, dans l’éclatant jardin que nous pillons,
Brode-t-il pour nos doigts l’aile des papillons ?
La joie inspire-t-elle afin qu’on les encage
Les chants harmonieux dont vibre le bocage ?
Les bœufs massifs enfin, dont l’effort vigoureux
Fend la glèbe où le blé ne germe pas pour eux
Et que grandit encor l’ombre crépusculaire,
Attendent-ils des coups en guise de salaire ?...
Laboureur fraternel, soyons bons, consens-y,
Pour l’utile animal que nous avons choisi
Et qui, de l’aube au soir, courbé sous un joug rude
Partage notre tâche et notre solitude.