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LA VICTOIRE BULGARE

Les informations de source officielle manquent encore sur les récens événemens de la campagne de Thrace, et nous en sommes toujours au silence hermétique que les deux états-majors rivaux gardaient au début des opérations. Les Turcs s’efforçaient de cacher une situation de tous points mauvaise, dans l’espoir illusoire qu’elle pourrait rester inconnue de leurs adversaires. Les Bulgares craignaient de voir des indiscrétions de presse compromettre le succès de dispositions élaborées de longue date et réglées dans tous leurs détails.

La bataille de Tchataldja (17-19 novembre) est la seule où ils aient admis des témoins, sans doute parce qu’elle était aussi la dernière, et qu’après cette finale tactique, le rideau de l’armistice allait retomber sur la scène militaire. Mais les deux autres ? L’étrange débâcle de Kirk-Kilissé (23-24 octobre), la grande étreinte de Lule-Bourgas (28 octobre-2 novembre), fameuse demain dans l’histoire à l’égal des journées de Leipzig, de Gravelotte et de Moukden, qu’ont-elles fait voir au juste quant au rôle du commandement, aux déploiemens, aux feux, aux marches, au rôle réciproque de l’infanterie et de l’artillerie, à la valeur relative des armemens, à la solidité et à la justesse de l’instruction militaire, au partage des forces matérielles et des forces morales, aux mille facteurs, aux mille variables, dont la victoire n’est pas seulement la somme, mais le produit complexe et la vivante fonction ?

Ces questions posées resteraient sans réponse si, dans leur mystère même, on n’apercevait un sens, et si le flou des détails ne simplifiait pas l’aspect de ces batailles, massées dans leur ensemble et mises à leur place dans la perspective de l’action.