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anciens et les « émigrans. » La Bulgarie disposait de toutes ses valeurs d’hommes, dans un temps où, par bonheur, le cadre du haut commandement n’était pas encore définitivement fixé. La création du grade de général de brigade était depuis longtemps réclamée par les colonels « faisant fonctions. « Elle resta systématiquement différée jusqu’en 1902, pour que les jalousies eussent le temps de se calmer, que les nouveaux venus pussent faire leurs preuves, rattraper leurs distances et se mettre en ligne avec leurs concurrens.

Promus à cette époque, les premiers généraux bulgares étaient des hommes de quarante ans. Toute la seconde moitié de leur carrière s’étendait devant eux ; ils pouvaient encore faire l’apprentissage du généralat, comme ils avaient fait celui de leurs précédens grades, et rendre ensuite à l’armée d’autant plus de services qu’ils disposeraient de plus de vigueur physique et d’activité d’esprit.


Il est caractéristique de trouver aujourd’hui à leur tête un representative man, dont la carrière heureuse enveloppe, accompagne et résume toute l’évolution accomplie par l’armée bulgare dans l’étendue de sa génération. Le général Michel Savof est né en 1857 à Haskovo. Cette obscure bourgade turque ne soupçonnait pas alors qu’elle serait, vingt ans après, ville frontière d’une Roumélie autonome, et qu’elle s’épanouirait en 1913 au centre d’une Grande-Bulgarie, dont l’existence serait justement due à la victoire de Michel Savof. Son glorieux enfant est élève à l’école militaire de Sofia en 1878 ; lieutenant en 1879 dans l’artillerie de la milice rouméliote (une demi-batterie !) ; élève à l’académie d’état-major Nicolas en 1881. Il n’a eu que le temps de faire un voyage d’études en Europe, quand surviennent la révolution de Philippopoli, puis les hostilités serbo-bulgares. Capitaine, il fait fonctions de sous-chef d’état-major général pendant la guerre et se trouve officier supérieur au lendemain de Slivnitza.

Une carrière qui va si vite serait faite pour enivrer cet homme jeune, sanguin, de carrure athlétique et de caractère ambitieux. Mais voici la déposition du 21 août 1886, les onze mois de l’interrègne, des années d’attente et de recueillement. Le major Savof est adjoint au ministre de la Guerre, puis ministre