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gauche, vers cette dernière place, un effort double de rupture et de débordement. Trois armées seront formées : la première, centrale, et formant la liaison entre les deux autres, sur la Toundja ; la seconde, destinée à l’attaque d’Andrinople, sur la Maritza ; la troisième, dont l’existence doit rester jusqu’au bout secrète, occupera, vers Strandja, une zone de concentration refusée par rapport aux deux précédentes ; elle se portera en avant avec elles à la dérobée, par la région réputée impraticable de Kaibilar et produira à l’improviste son attaque contre Kirk-Kilissé.

De tous les modes d’engagement stratégique qui pouvaient être conçus, celui-là est incontestablement le plus objectif et le plus offensif. Il ajoute au brusque déclanchement des forces matérielles un puissant effet de surprise ; il procède de cette théorie française de l’impossible, qui n’est que l’art de stupéfier et de paralyser l’adversaire, de faire contre lui ce que lui-même n’aurait pas pu faire, et, par la grandeur des difficultés vaincues, d’atteindre et de briser en lui les ressorts de la volonté.

Cependant l’étendue du théâtre et les conditions de la manœuvre exigeraient pour chaque armée une articulation à trois divisions. Neuf de ces unités seraient donc nécessaires, et l’on n’en a que sept. On en constitue une nouvelle, qui prend le numéro 10. Dès lors, la première armée (général Kutintchef) pourra comprendre les 1re et 10e divisions ; la 2e (général Ivanof) les 8e, 9e, 3e divisions ; la 3e (général Dimitrief) les 4e, 5e, 6e divisions. Les précautions sont soigneusement prises pour cacher les préparatifs et dépister les informateurs. Les correspondans étrangers, qui affluent à Sofia, sont gardés à vue ; le langage évasif qu’on leur tient est tel que la diplomatie européenne continue de travailler à la paix, et qu’à Constantinople, on espère encore éluder la guerre.

Le 29 septembre, la mobilisation est ordonnée : c’est qu’elle s’est faite en secret les jours d’avant, qu’elle s’achève en ce moment même et que dès le lendemain la concentration va commencer. Les wagons chargés à refus et jusque sur les toits, — car partout il y a des excédens d’effectif, et toutes les prévisions sont dépassées, — roulent sur toutes les lignes bulgares. A Sofia, c’est le jeu de jongler, dans les informations officielles, avec les noms des généraux ; on les attache tantôt à un quartier général, tantôt à un autre ; les lecteurs attentifs parviennent à