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L’aliénation de Bons constitue le procédé classique au moyen duquel un Trésor réunit des fonds immédiatement disponibles. Ils correspondent à deux ordres d’idées différens, suivant qu’ils sont émis, au cours d’un exercice budgétaire d’ailleurs équilibré, pour fournir à l’État les sommes dont il peut avoir besoin pendant quelques mois, au début de l’année, si les débours marchent d’une allure plus rapide que les recettes, ou qu’ils sont au contraire destinés à lui procurer des ressources jusqu’à une date beaucoup plus reculée. Certains Etats, qui éprouvent de la peine à émettre des emprunts consolidés, recourent d’une façon chronique au fâcheux expédient de la Dette flottante et entretiennent une circulation constante de bons du Trésor, à échéances plus ou moins lointaines. Ils les négocient tantôt à l’intérieur des frontières, tantôt à des banquiers étrangers. Nous pourrions citer le Portugal comme l’un des pays qui font l’usage le plus immodéré de cet expédient. Depuis un demi-siècle, il a presque constamment, de ce chef, un chiffre très élevé d’engagemens, qui n’a diminué, à de rares intervalles, que lorsque des circonstances favorables permettaient au Gouvernement de placer sur les marchés anglais, français ou allemands des rentes et de rembourser une partie des bons. Mais, au bout de peu de temps, ceux-ci ne tardaient pas à reparaître. Depuis la proclamation de la République, la quantité s’en est multipliée. Beaucoup ont trouvé leur chemin dans le portefeuille de la Banque de Portugal, dont la circulation est viciée par la présence de cet élément dans l’actif de son bilan. D’après les derniers renseignemens que nous avons pu recueillir, le Trésor portugais devait à la Banque environ 25 millions de milreis, avait émis des bons pour 90 millions, au total 115 millions, c’est-à-dire, au change du jour, environ 575 millions de francs. Il devait en outre d’assez fortes sommes à la Caisse des dépôts et au Mont-de-Piété. C’est une lourde charge pour un pays qui compte environ 5 millions d’habitans. La Belgique, dont la gestion financière ne parait plus être aussi sévère qu’elle le fut jadis, recule devant la consolidation de sa dette et émet des centaines de millions de bons du Trésor, qu’elle devra un jour rembourser au moyen d’une émission de rentes.

Si l’on doit critiquer les nations qui en temps ordinaire abusent de ces opérations de trésorerie, on ne saurait se montrer aussi sévère pour celles qui y ont recours en temps de guerre.