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Il use ses inquiétudes dans le labeur des fouilles.

S’il subit, au début, l’influence très directe de la philosophie et de la critique contemporaines, sa personnalité s’accuse nettement : « Tu me parles de la philosophie de l’histoire et de la saine critique, dira-t-il à Eynaud le 16 avril 1872 : elles seront le fait d’un Sainte-Beuve, d’un Renan, d’un Littré, — et ces gens-là seront toujours des exceptions, — leurs idées ne seront comprises qu’en petit nombre, et tu trouverais peut-être, tout le premier, fort peu divertissans un gouvernement et une société, composés de gens sérieux, comme le rêve Renan. » C’est que, tout passionné qu’il se montre de recherche et de science, — il pousse le respect et le culte de l’une et de l’autre jusqu’au scrupule, — Albert Sorel tient à sa méthode propre : il veut que la vie collabore à son œuvre et la vie est variée, multiple : la science en histoire, ne s’érige point en dogme, un dogme impassible qui mate les faits. Surtout, Sorel est Français, — il entend le rester ; il n’a pas la superstition de La Science germanique.

Albert Vandal, dans un éloquent discours, lui rend cet hommage :

... « Il s’est créé une méthode personnelle ; il nous a fait assister à ses travaux préliminaires et préparatoires ; il a travaillé en plein air, pourrait-on dire, et devant tout le monde. D’abord, ce furent des études très poussées sur certaines parties du sujet, des études plus détaillées qu’elles ne pourraient l’être dans le corps de l’ouvrage, des publications qui étaient pour l’auteur des justifications anticipées et des bases. En même temps, à son cours, l’auteur professait son œuvre. »

Or, cette méthode, c’était l’étude objective de la vie et cette objectivité avait été rudement acquise par le jeune romancier, qui venait de faire son apprentissage politique.

Et cette conception fondamentale restera identique à elle-même ; Albert Sorel l’affirme en 1897, le 26 janvier, dans cette lettre à son fils :

«... J’ai mis, ou du moins tenté de mettre dans le premier (volume) un peu de philosophie, la seule que je me permette, et qui consiste à expliquer les faits par comparaison, à les grouper par analogie, à les motiver par enchaînement. Mais il