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« motifs, » des ornemens qui s’élèvent, il en est qui retombent. De simples appels, des cris de joie, de triomphe, éclatent çà et là, coupant d’un accent rythmique et bref de plus longues et plus suaves cantilènes. Tantôt les chants sont mélodie, et tantôt ils se réduisent à l’harmonie, à des séries d’accords. Ils intercèdent, bénissent, adorent tour à tour. La puissance n’a d’égale ici que la tendresse, et la gloire que l’humilité. Rien n’est aimable, courtois, mais d’une céleste, d’une divine courtoisie, comme la bienvenue souhaitée en quelques mesures à l’âme de Faust. Rien enfin, dans la musique entière d’oratorio, n’approche, autant que le dernier Hosannah, des plus magnifiques acclamations d’un Haendel. Enthousiasme, apothéose, ce n’est pas trop de tous les mots où l’idée de Dieu est contenue, pour qualifier ces mystiques, ces divins concerts.

La Vierge, après Dieu, les inspire et reçoit ici l’hommage d’un grand poète et d’un grand musicien protestant. Serait-il donc vrai que l’art, plus heureux que la foi, n’a subi nulle déchirure et que toute musique religieuse (témoin la Messe de Bach) vient, ou revient à nous, inévitablement ! Le culte, au moins le respect de la Vierge, de son influence et de son pouvoir, des mystères en elle et par elle accomplis, que pourrait bien signifier, sinon tout cela, cet « éternel féminin, » dont les derniers vers du poème de Gœthe proclament l’universel, impérissable attrait ? Autour, ou plutôt au-dessous de l’Immaculée, « souveraine maîtresse du monde, » musique et poésie évoquent un cortège de femmes, pécheresses naguère, aujourd’hui pardonnées, rappelant chacune un souvenir plus saint, un titre plus sûr et plus doux à la divine miséricorde. C’est Marie de Magdala, c’est la Samaritaine, c’est Marie d’Egypte, c’est enfin, humble et pénitente entre ses sœurs, qui la conduisent et, pour ainsi dire, la présentent, « une qui s’appela Gretchen autrefois. » Leur fraternel concert est une chose délicieuse de tendre empressement, de timidité, de mélancolie. Il environne d’un halo sonore l’invocation, ravissante autant que ravie, du Doctor Marianus à la Vierge, un des purs chefs-d’œuvre de la mystique musicale. Dans un seul morceau, tel que celui-là, même variété que dans la succession des morceaux. Partout l’unité du sentiment et la diversité des formes. D’abord une introduction contemplative : la voix pose et soutient longuement des notes graves, à peu près contiguës, sur des accords profonds. Et ces « harmonies d’immensité, » comme aurait dit Chateaubriand, semblent étendre devant nous, autour de nous l’infini de l’espace. Bientôt une cantilène adorable, un Ave Maria peut-être sans égal, s’y élève et s’y épanouit. Un hautbois çà et là