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II

En 1789, Madame d’Orléans introduit quelque froideur dans ses relations avec la gouvernante. Cette attitude provient d’un seul motif, puisqu’on doit écarter celui qui en semblait l’explication naturelle : la jalousie. Marie-Adélaïde sent que deux périls la menacent en ses enfans qui grandissent et s’individualisent. Exploitant la tendresse instinctive et naïve, approuvée d’ailleurs par la Duchesse, qu’ils professent pour leur éducatrice, celle-ci accapare chaque jour davantage l’esprit et le cœur de ses élèves, reléguant à l’arrière-place la mère désolée. Influence redoutable dans les circonstances présentes, car Madame d’Orléans n’ignore rien des opinions de Mme de Genlis et pressent qu’elles engagent son mari et ses fils dans une voie qui lui apparaît funeste. Elle ne le dissimule pas à Philippe : «. Je suis plus malheureuse que vous dans ce moment-ci ; vous êtes consolé par l’opinion que ce que nous perdons contribuera au bonheur ; vous savez que je ne pense pas de même et je n’ai pour supporter mes peines que votre tendresse qui vous éclairera, mon cher ami, sur les moyens d’adoucir ma situation... »

Cette plainte douce reste sans effet, le mal est déjà trop profond et Philippe trop subjugué. Résolument alors, la Duchesse engage la lutte et demande tout net le congé de Mme de Genlis. Refus de Philippe qui redouble de prévenance, d’égards envers la gouvernante alarmée et froissée, et essaie de rétablir l’accord. Vains efforts, la Duchesse ne daigne même pas jeter les yeux sur la propre apologie de sa rivale qui n’y ménage pas ses protestations de désintéressement, de pure amitié, etc.

Un dernier incident met le feu aux poudres : le Duc de Chartres s’est fait recevoir au Club des Jacobins... La mesure est comble. C’est alors que la lettre fameuse dont nous avons dû citer quelques extraits ouvre la lutte qui va mettre en présence le père et la mère sur le terrain de leurs droits respectifs.

Par un accord mutuel, il avait été décidé que la question serait traitée par écrit. Madame d’Orléans pensant que « quand on discute avec quelqu’un que l’on aime un objet intéressant, on est bien exposé à s’échauffer... » et elle ajoute : « Je sens que c’est ce qu’il faut éviter entre nous. »

Quels efforts cependant ne devra-t-elle pas faire pour que ce