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qu’emplissent de suffocantes émanations : après quelques évanouissemens, le cerveau s’habitue, mais les poumons s’y épuisent. De cette atmosphère opaque et chaude, il faut plus tard remonter dans l’air glacé. Les Afrikanders proclament justement que nul climat n’est plus propice que celui du Transvaal aux Européens phtisiques ; mais presque tous les mineurs cafres, si imprévoyans, y prennent le mal.

On a tenté de les (remplacer par des Chinois. Ils se sont révoltés tumultueusement. Ceux qui restent, souvent assaillent les noirs, dans des batailles féroces où les revolvers des policiers doivent intervenir. Et de ces attaques les nègres se vengent en abattant à coups de barre-à-mine les jaunes qu’ils surprennent, seuls, la nuit près des camps.

Tous les Maquouas de Mozambique, nous répète-t-on partout sur la côte, redoutent le Transvaal qu’ils appellent l’Enfer. Ils voient cependant les plus solides en revenir enthousiastes, délurés, buvant le whisky, exhibant souliers, chapeaux, montre et même bicyclette, quatre livres en poche, — car les Anglais leur ont fait manger le reste sur place, le gouvernement portugais n’ayant encore pu obtenir que la moitié de la solde fût payée au retour. Cette épargne leur permet d’acheter des femmes qui travailleront désormais pour eux. Eux, jamais plus, ne reprendront de tâche, tout entiers aux fêtes dont l’obscénité accuse la corruption contractée au Transvaal. On vous les montre sur les routes, qui marchent en tournant la badine, avec leur cortège d’épouses chargées d’enfans et de paquets, sans qu’ils aient jamais l’idée de les aider. Ces femmes peinent à toutes corvées, même sur les quais à transporter les sacs énormes dans les magasins. « Voilà, conclut un grand Portugais, pâle et dolent, tout le progrès acquis au contact de la nation policée. »


III

Les Portugais, qui ne sont point fonctionnaires, n’hésitent pas à dénoncer les prétentions que nourrit secrètement sur le territoire aussi cette nation « amie et protectrice » après qu’elle leur en a « raflé » la population. Déjà la mainmise est absolue sur Beira ; et à Lourenço-Marquès où l’on résiste avec plus d’opiniâtreté, les Anglais ont acheté presque tous les terrains, comme ils ont assimilé les sociétés autrefois françaises. Leurs consuls,