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il répond à qui attendait qu’il donnât des preuves de la religion : « Qui blâmerait les chrétiens de ne pouvoir rendre raison de leur créance ? Ils déclarent, en l’exposant au monde, que c’est une sottise, stultitiam ; et puis, vous vous plaignez qu’ils ne la prouvent pas ? S’ils la prouvaient, ils ne tiendraient pas parole : c’est en manquant de preuves qu’ils ne manquent pas de sens ! » Au contraire, M. Maeterlinck reproche à la religion de ne pas apporter « une preuve devant laquelle puisse s’incliner une intelligence de bonne foi. » Il continue donc à la raison, qu’il a méprisée, sa confiance ?...

Oui. Mais il a vu la contradiction. Je crois qu’il n’en a pas souffert extrêmement : car il est mystique, s’il est positiviste ; et le mysticisme triomphe au paradoxe de réunir les contradictoires. Cependant, il atténue ou, si l’on peut ainsi parler, il adoucit la contradiction, comme ceci. La raison ne découvre pas la vérité : elle découvre l’erreur. Elle ne nous dit pas où est la vérité : elle nous dit où la vérité n’est pas. Et ainsi la raison, de même que l’expérience, ne nous livre pas le secret de la mort. Elle ne parvient pas à composer le théorème de la mort : elle suffit pourtant, aux yeux de M. Maurice Maeterlinck, à formuler les principes suivans, qui sont la conclusion de sa rêverie.

L’anéantissement total n’est pas admissible ; la survivance de notre conscience actuelle est aussi impossible que le néant. Alors, nous n’avons plus à examiner que deux solutions : la survivance dénuée de toute espèce de conscience ; et n’est-ce pas l’anéantissement ? donc nous écartons cette hypothèse ; — ou bien la survivance avec une conscience différente de celle qui est aujourd’hui la nôtre.

Voilà précisément l’hypothèse à laquelle nous invite l’auteur de La mort. Une conscience tout autre : qu’est-ce à dire ? Nous sommes du momentané, du limité, du fini. La conscience qui, après la mort, sera la nôtre est « la conscience de l’infini. »

Mais Pascal a écrit : « Le peu que nous avons d’être nous cache la vue de l’infini. » Et M. Maeterlinck, ici, ne dément pas l’auteur des Pensées ; il écrit : « Nous ne pouvons nous faire la moindre idée de la conscience de l’infini. » Alors, à quoi nous sert cette hypothèse ? M. Maeterlinck s’est promis de nous tranquilliser : le fait-il ?... Du moins, il y tâche.

Il considère que l’infini « ne saurait nous vouloir du mal. » Et pourquoi ? C’est que, l’infini étant le tout, il faut que nous appartenions à l’infini ; de sorte que, s’il nous tourmentait, l’infini tourmenterait « quelque chose qu’il ne peut arracher de soi. » Il se tourmenterait : et cela n’est point concevable. M. Maeterlinck demeure fidèle à