Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/705

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

détroits, dont chacun a ses héros et ses martyrs, et nous arrivons enfin à la côte Nord de l’Alaska qui, en face du Kamtchatka sibérien, borne le détroit de Behring.

On voudra bien nous pardonner dans sa sécheresse cette brève nomenclature ; mais elle est indispensable pour comprendre à peu près les routes variées qu’ont employées ou recherchées dans leurs tentatives les explorateurs arctiques.

En 1594, au service de la Hollande qui veut elle aussi avoir par le Nord sa route commerciale vers les Indes, comme sa grande rivale britannique, Barentz reprend la tentative de Willoughby, découvre la Nouvelle-Zemble, puis le Spitzberg, mais finit par mourir misérablement. ;

Le match (si on veut bien me permettre ce vocable anglo-saxon), le match anglo-hollandais continue avec Hudson. Celui-ci, en 1607, a l’idée magnifiquement audacieuse qu’au lieu de chercher le détroit qui sépare l’Amérique de l’Asie en contournant l’un ou l’autre de ces continens, il serait plus simple d’y aller directement par le pôle. Il pique droit au Nord, atteint 81° de latitude dans la région du Spitzberg, et peu après découvre au Nord de l’Amérique le détroit qui porte son nom et sépare l’archipel arctique du Labrador, ce prolongement énorme du Canada au Nord-Est. Hudson, comme la plupart de ses prédécesseurs, et beaucoup de ceux qui l’ont imité, meurt loin de sa patrie, assassiné, dit-on, par son équipage révolté.

Avec Baffin, autre marin anglais qui, en 1616, parcourt la mer qui porte son nom et découvre le détroit de Smith, se termine ce que j’appellerai la « période commerciale » des expéditions polaires.

Des préoccupations utilitaires, des rivalités politiques et commerciales, et surtout la recherche d’une route vers les Indes avaient été jusque-là le ressort exclusif des efforts réalisés. Et pourtant, si on met à part la découverte faite par Hudson, dans les mers de l’archipel nord-américain et près du Spitzberg, d’un grand nombre de baleines et de morses, découverte qui amena dans ces parages, aux XVIIe et XVIIIe siècles, les pêcheurs, surtout les Hollandais, par centaine de milliers ; si l’on fait, dis-je, cette exception, il faut reconnaître que les explorations polaires n’avaient eu jusque-là aucun résultat commercialement « utile » et qu’en particulier elles avaient complètement failli à leur objet principal.

Là sans doute est la cause du temps d’arrêt que, pendant deux siècles et jusqu’au premier tiers du XIXe subit l’exploration des régions arctiques.