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parler avec la même assurance et, en tout cas, ce n’est ni la Déclaration ministérielle, ni les explications dont elle a été suivie, qui nous donneront de vives lumières sur le sort qui l’attend et qui reste obscur. C’est regrettable, certes, mais peut-être serait-il injuste de le reprocher amèrement au ministère. Quel que soit l’intérêt que présente la question électorale, la question militaire occupe aujourd’hui la première place dans nos préoccupations, et M. Barthou a eu raison de la lui donner dans sa Déclaration. S’il la résout conformément aux principes qu’il a posés, nous n’irons pas jusqu’à le tenir quitte de tout le reste, mais nous le presserons moins de nous le donner. Faut-il d’ailleurs l’avouer ? Mieux vaut, à nos yeux, renvoyer la réforme électorale devant le pays, aux élections prochaines, que d’avoir une réforme mal faite, insuffisante, tronquée et manquée, qui donnerait au pays l’illusion, bientôt dissipée, que sa volonté aurait été obéie, tandis qu’elle aurait été sournoisement éludée. Et c’est à cela que nous allons. La Déclaration ministérielle est pleine d’optimisme ; elle regarde la conciliation comme possible, comme facile entre les deux thèses opposées des deux Chambres. « Nous ferons appel, dit-elle, à l’esprit politique du Sénat pour accorder, avec le principe majoritaire qu’il a adopté, une représentation équitable des minorités. » C’est ce qu’on appelait autrefois marier le Grand Turc avec la République de Venise. « Le problème n’est pas insoluble, » dit M. Barthou, et il propose d’en confier la solution à une Commission interparlementaire, ce qui est le meilleur et le plus sûr moyen qu’on ait trouvé jusqu’ici de traîner les choses en longueur. Mais laissons la Déclaration pour en venir aux commentaires qui l’ont suivie. Là, les nuages sont dissipés : M. Barthou abandonne résolument le quotient pour l’attribution aux minorités des sièges qui doivent leur revenir. Alors, il n’y a plus de réforme, car il n’y en a pas sans quotient. Sur ce point, la faillite est complète et probablement irrémédiable. Faut-il en prendre son parti ? C’est au pays de répondre : il aura bientôt la parole. Quant aux Chambres, elles ont montré leur impuissance. Elles sont, en effet, impuissantes, lorsqu’elles sont divisées et qu’elles se placent aux antipodes l’une de l’autre. Qu’on le reconnaisse ou non, le vote du Sénat a blessé à mort la réforme électorale : si le pays y tient vraiment, comme il l’a témoigné jusqu’ici, qu’il la ressuscite. Lui seul peut le faire et nous ne saurions trop approuver les partisans les plus ardens et les premiers auteurs du projet de représentation proportionnelle, s’ils ont, comme on le dit, l’intention de reprendre leur campagne de propagande devant les électeurs, car la solution dépend d’eux.