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même sous les Césars chrétiens. Chaque année, à la fin d’octobre, les délégués élus de toute la province ayant à leur tête le sacerdos provinciæ, le prêtre provincial, arrivaient à Carthage, Leur chef, revêtu d’une robe brodée de palmes, couronne d’or en tête, faisait son entrée solennelle dans la ville. C’était une véritable invasion, chaque député traînant derrière soi un cortège de cliens et de serviteurs. Avec leur goût de la pompe et de la couleur, les Africains profitaient de l’occasion pour se livrer à tout un étalage de ruineuses somptuosités : riches costumes, chevaux de prix splendidement caparaçonnés, processions, sacrifices, banquets publics, jeux à l’amphithéâtre et au cirque. Ces étrangers causaient dans la ville un tel encombrement que l’autorité impériale dut leur interdire, sous des peines sévères, d’y séjourner plus de cinq jours. Mesures très prudentes : des collisions étaient inévitables, dans ces momens-là, entre païens et chrétiens. Il convenait de disperser au plus tôt de telles foules, où couvaient toujours des émeutes.

Non moins suivies étaient les fêtes de la Vierge Céleste : survivance du culte national, elles étaient chères au cœur des Carthaginois. Augustin y assistait avec ses camarades. « Nous y accourions, dit-il, de tous côtés. » Il y avait grande affluence de peuple dans la cour intérieure qui précédait le temple. La statue, sortie de son sanctuaire, était placée, devant le péristyle, sur une espèce de reposoir. Au son des instrumens sacrés, des courtisanes parées avec un luxe barbare dansaient autour de l’image sainte ; des histrions mimaient et chantaient des hymnes. « Nos yeux avides, ajoute malignement Augustin, se posaient tour à tour sur la Vierge et sur les courtisanes, ses adoratrices. » La Grande Mère des dieux, la déesse de Bérécynthe était célébrée avec une licence pareille. Tous les ans, le peuple de Carthage allait la laver solennellement dans la mer. Sa statue, portée dans une litière de parade, habillée d’étoffes précieuses, frisée et fardée, traversait les rues de la ville, avec son cortège d’histrions et de galles. ; Ceux-ci, « les cheveux gras de pommades, le visage pâle, la démarche molle et efféminée, tendaient leurs sébiles aux spectateurs. »

Le culte d’Isis était un nouveau prétexte à processions : le Sérapéum faisait concurrence au temple de Cœlestis. Les Africains, s’il faut en croire Tertullien, ne juraient que par Sérapis. Peut-être que Mithra avait aussi des sectateurs à Carthage. En