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A Monsieur Alphonse Léodgard Égalité.


Ce 5 matin.

« Tu entendras dire, si cher enfant, que je suis en arrestation.

« N’aies aucune inquiétude et sois bien tranquille. Je t’embrasse de toute mon âme. »


Ce 8, à une heure après midi.

« Ne sois pas inquiet, mon cher enfant, et tâche de me donner des nouvelles de toi et de tout ce qui nous est cher.

« Je t’embrasse, mon si bien aimé et si chéri enfant. »


X

« Madame la Duchesse d’Orléans, — a dit Mme de Genlis, — était froide et ne savait pas l’orthographe. J’écrivais moi-même toutes ses lettres qu’elle copiait ensuite de son écriture. » On sait maintenant ce que cachait la « froideur » de Madame d’Orléans. Quant à la seconde imputation, on ne met pas en doute que l’indiscret secrétaire n’ait été, par occasion, employé à tourner quelque banale lettre, quelque indifférent billet dans un style dont la correction n’était pas, d’ailleurs, toujours irréprochable.

La gouvernante écrivait avec une science acquise et sans cesse surveillée ; la fille du Duc de Penthièvre laissait entendre sa pensée dans un insouci complet de la forme, commun à cette époque, et à laquelle suppléaient, avec un rare bonheur, souvent, les qualités de l’esprit et de la race.

Peu de temps après que, soit lassitude, crainte ou déception, le farouche dévouement de Mme de Genlis se fut lassé, une autre barrière s’élève entre la mère et les enfans. Les deux derniers billets de Marie-Adélaïde courts et déchirans, furent écrits au seuil d’une prison.

La princesse avait été mise en arrestation pendant qu’elle était plongée dans le deuil que lui causait la mort de son père succombant sous le poids de tant de calamités et de honte.

Et cependant, à l’heure où l’abime était creusé à jamais, moins de deux mois après l’exécution de Louis XVI, Madame