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masse s’est approché de la frontière de l’Ouest, en prononçant comme une vague menace vers la Pologne allemande. C’est dans ces conditions que la France passe en 1889 au service de trois ans. La nouvelle loi, en étendant jusqu’à un laps de vingt-cinq années la durée générale du service, promet, au cas d’une mobilisation, 25 classes instruites, parmi lesquelles 10 seraient applicables aux formations de première ligne (3 classes actives et 7 classes de réservistes).

Une fois de plus, les Allemands craignent de voir l’équilibre numérique hésitant se rompre à leur désavantage. Ils se hâtent, par la loi du 15 juillet 1890, de corriger celle du 11 mars 1887, et de porter à 486 983 hommes l’effectif qui devra être entretenu pendant les dernières années du septennat. Mais les contingens annuels ne sont encore que de 175 000 environ. Il faut les élever à un niveau plus haut, si l’on veut accroître au jour d’une guerre le total des disponibilités. Le service de deux ans permettra de le faire sans alourdir les charges du budget. Il est clair, en effet, qu’à dépense égale, si l’effectif total est formé de deux classes seulement, au lieu de trois, les contingens nouveaux seront par rapport aux anciens en raison inverse de ces mêmes chiffres.

Cet avantage était si bien senti en Allemagne que. dès 1868, l’habitude s’était établie de congédier un certain nombre d’hommes après deux années de service seulement ; ces hommes étaient dits zur Disposition ; leur renvoi anticipé, en soulageant le budget, permettait d’élever d’autant les contingens. L’extension progressive de cette mesure en avait fait une sorte de règle ; mais pour lui donner force de loi en 1893, il reste à vaincre la résistance des militaires professionnels, et à triompher dans le Reichstag de l’opposition politique coalisée tout entière contre le projet. Les conservateurs le combattent au nom des principes ; les socialistes, — plus réfractaires alors qu’ils ne le sont aujourd’hui, — s’élèvent violemment contre un renforcement quelconque de l’armée ; les démocrates, qui ont pourtant inscrit le service de deux ans dans leur programme, n’admettent pas que l’adoption de ce service tourne à l’accroissement des effectifs totaux. Il faut dissoudre deux fois le parlement avant de parvenir, le 15 juillet, à un vote définitif.

La France n’a pas attendu l’accomplissement de la réforme pour essayer d’en parer les effets. Mais, dès cette époque, elle