Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/889

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et la République toujours dans l’armée ! » Mais, en apercevant clairement la beauté du principe, le Directoire avait mal réglé la lettre de l’application. Sa loi idéologique du 5 septembre 1798 s’était bornée à dire que, chaque année, des mesures nouvelles préciseraient les obligations des classes conscrites à l’égard de la nation, et les devoirs de chaque génération française par rapport à celles qui l’avaient précédée ou suivie. Pris aussitôt de court par la guerre, il paya cher sur les champs de bataille pour son vague déclamatoire et pour l’insuffisance de sa législation.

Craignons de recevoir nous-mêmes, ou d’infliger à la génération suivante, la même sanglante leçon. Convenons une fois que le problème de la défense nationale est pour la République le seul vital, le seul difficile ; que le caractère de la démocratie française est d’être fortement armée, mais qu’aussi, une armée moderne, avec les caractères nouveaux qu’elle emprunte à l’esprit même de la guerre, avec la division du travail instituée entre tous les participans de l’action, ne peut pas être une charge stérile pour la société.

Au problème de notre constitution militaire, un autre problème, infiniment plus intéressant et plus général, reste attaché : celui du partage à faire entre la cité et le citoyen, de l’équilibre entre ce que la nation doit à l’individu et ce que l’individu doit à la nation. Ce contrat est si difficile qu’il ne faut pas s’étonner d’avoir à le retoucher en 1913, après l’avoir cru réglé en 1905. Le but recule davantage, et cependant un terme d’histoire est atteint. Au seuil de la nouvelle étape, la France se doit à elle-même de ne pas marchander l’effort à fournir. Qu’elle change son fusil d’épaule et qu’elle se mette en chemin !


PATRICE MAHON.