Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/908

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ses travaux ont rendu familière l’histoire religieuse de la Russie et qui l’a racontée en un monumental ouvrage[1]. Dès 1901, avec une compétence que personne ne contestera, l’éminent écrivain s’était posé cette question : « L’empereur Alexandre Ier est-il mort catholique ? » et il y répondait dans une brochure où étaient reproduits certains documens qui pouvaient autoriser une conclusion affirmative sans cependant constituer des preuves irréfragables. Mais, depuis cette époque, il en a recueilli de plus probantes, et il nous les soumet dans une édition nouvelle de son premier travail, qui vient de paraître sous le même titre et à laquelle la publication du grand-duc Nicolas donne la plus vive actualité.

Il convient d’abord de donner acte au grand-duc de certains faits qu’il ne conteste pas, bien qu’il déclare n’avoir pu en vérifier l’exactitude. L’un de ces faits est le suivant. Lorsqu’en 1822, Alexandre préparait son départ pour le congrès de Vérone, il laissa percer le désir de voir Rome. Son penchant vers le catholicisme était soupçonné dans la famille impériale. L’impératrice mère, Maria Fédorovna, craignant qu’une entrevue avec le Saint-Père ne le déterminât à entrer dans le sein de l’Église Romaine, lui demanda avec instance de ne pas aller à Rome. Toujours plein de déférence pour sa mère, il promit et tint parole.

Cet incident, longtemps ignoré, fut révélé en 1841 au roi de Sardaigne Charles-Albert par le comte de l’Escarenne, diplomate sarde qui le tenait de source sûre ; il fut rendu public en 1876, par la Civitta Cattolica qui reproduisit la lettre que l’Escarenne avait écrite au Roi. Depuis cette époque, l’historien russe Schilder s’en est emparé et il ne semble pas que le fait reproduit par lui ait rencontré de contradicteurs, ce qui serait une première preuve des tendances d’Alexandre vers le catholicisme.

Le même Schilder raconte encore que l’Empereur se trouvant à Vienne, en la même année 1822, manifesta le désir de recevoir la visite de l’abbé prince de Hohenlohe, membre du clergé catholique autrichien, en relations avec une grande partie de l’aristocratie viennoise. L’abbé se rendit à son appel, et longue fut l’entrevue. En en terminant le récit, Schilder a écrit :

« Après avoir écouté les paroles de l’abbé, Alexandre tomba

  1. La Russie el le Saint-Siège, 6 vol. in-8 ; Plon.