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de Chypre. Contrainte et forcée elle signa, en tremblant, devant le maître-autel magnifiquement paré, son acte d’abdication en faveur de la République de Venise, et, à l’issue de la cérémonie, elle assista, dans le chœur, à la pose de la plaque de marbre, véritable épitaphe commémorant ce douloureux événement. Ainsi se termina, sous les voûtes de Saint-Nicolas, la glorieuse domination des Lusignan.

Devant le portail, sur la place, les Vénitiens avaient dressé, jadis, deux colonnes provenant de Salamine et entre ces colonnes ils avaient placé un sarcophage découvert à Paphos et que, pauvres historiens, ils pensaient avoir été celui de Vénus, dont l’existence ne faisait aucun doute à leurs yeux.

C’est aussi à peu près à cet endroit que Bragadino subit son glorieux martyre quand, au mépris de toutes les conventions, il fut écorché vif par les ordres de Mustapha.

Le chevet de la cathédrale donne sur des terrains vagues, autrefois jardins de l’évêché. On y voit la chapelle particulière de l’évêque, dont le style est très loin d’être pur. Cependant, ce petit bâtiment offre une particularité intéressante : ses porte-bannière de pierre sont les mêmes que ceux de l’Ouakkâla Quaitbaï, près de la porte Bab en Nasr, au Caire, construite vers la fin du XVe siècle.

Quant au palais épiscopal, il était situé au Nord entre l’église et la rue Marchande allant du port à la place. C’était une étroite et longue construction, probablement du XIVe ou du XVe siècle ; dès la fin de 1400, il était inhabité. Peu de chose en reste, sauf dans sa partie centrale, et seulement jusqu’à hauteur de l’appui des fenêtres du premier étage. Il y a aussi sept boutiques donnant sur la rue, que l’évêque devait louer à des marchands. Ce maigre bénéfice, à l’époque de la domination génoise, lui fut certainement bien nécessaire pour pouvoir vivre, à en juger par ce que nous conte, N. de Martoni, dans la relation de son pèlerinage de Terre-Sainte en 1394.

« Un jour[1], après avoir entendu la messe dans l’église Saint-Nicolas, je me vis assez dénué d’argent. Je songeai à demander l’aumône, pour l’amour de Dieu, à l’évêque, et je m’approchai de lui avec respect en lui disant : « Père et Seigneur, voici qu’il m’arrive de répéter les paroles de l’Évangile : Je n’ai

  1. Pèlerinage à Jérusalem de N. de Martoni, p. 583 et suiv. Revue de l’Orient latin, 1895, t. III.