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nous représenter nos vieilles basiliques, dans un cadre des pays du Nord, sous un ciel souvent maussade ; mais où il est possible de les admirer dans tout leur éclat, c’est assurément sous la lumière chaude et généreuse de l’Orient ; avec ces palmiers dont les troncs minces s’élèvent comme les colonnes des édifices ; troncs couronnés de palmes souples, nerveuses, s’agitant à la moindre brise et reproduisant dans leurs multiples ondulations les lignes harmonieuses des ogives des voûtes. Le palmier est, par excellence, l’arbre du style gothique.

Les parties nord et nord-ouest de Famagouste, totalement inhabitées, sont aussi celles qui offrent le spectacle le plus poignant. Le sol, bouleversé pour en extraire les pierres des fondations des maisons, n’est plus qu’une suite de creux et de bosses, recouvert d’herbes, momentanément égayé, au printemps, par des fleurs sauvages et marqué, de place en place, de plantes grasses. Des oiseaux de proie, pendant le jour, en quête de mulots et de souris, font entendre des cris aigus tout en décrivant dans le ciel leurs courbes sans cesse renouvelées.

Cependant la destruction des monumens n’a pas été complète, car plusieurs églises s’y élèvent encore dans un plus ou moins bon état de conservation. Ce sont l’église nestorienne, Sainte-Anne, une église non identifiée, Sainte-Marie du Carmel, et l’église arménienne. Nous allons les visiter successivement et en donner la description.

L’église nestorienne, d’après M. Enlart, auquel il faut toujours avoir recours s’il est question de l’architecture en Chypre, a probablement été élevée vers 1360 par les frères Lâchas, les riches marchands dont nous avons parlé plus haut.

« Son style est à peu près exactement celui du midi de la France. Cet art s’est surtout répandu en Chypre sous le règne de Pierre Ier, à la suite du voyage que fit ce prince à Avignon et du séjour de Pierre Thomas à Famagouste. »

Bâtie en belles pierres de taille, elle comprenait, à l’origine, une nef simple de trois travées et une abside. Quelques années après, on ajouta des nefs latérales avec leurs absidioles. Un clocher, rappelant celui de Bellapaïs, s’élève au nord-ouest. On pénètre dans l’intérieur par un large portail, très simple, regardant vers l’ouest, surmonté d’une rose, dont le remplage découpé a presque disparu. L’église était décorée de peintures italiennes et syriennes qui, quoique très effacées, sont encore