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postérieurement une seconde chapelle. Dans la voûte, on retrouve des cruches acoustiques semblables à celles que nous avons signalées plus haut.

M. Enlart la date du milieu ou de la fin du XIVe siècle. Comme les précédentes, elle était décorée, à l’intérieur, de peintures. Celles-ci sont byzantines et d’une pauvre exécution. L’un des panneaux mérite cependant d’être signalé, il représente la Nativité : « Au premier plan deux sages-femmes lavent l’enfant ; la vierge Marie est couchée, avec son nom inscrit en arménien sur sa robe de pourpre ; crèche semblable à un sarcophage, dans lequel l’enfant est représenté une seconde fois, accosté de l’âne et du bœuf, et entouré de treize anges adorateurs. »

« Cette peinture est identique à une peinture du XVe siècle relevée à Mistra, en 1896, par M. Ypermann et étudiée par M. Millet. »

La colonie arménienne en Chypre se forma de deux façons ; elle se forma par des individus isolés qui, tentés par le négoce, vinrent s’y établir librement ; mais ce qui lui donna son importance numérique, ce furent les massacres périodiques que ce peuple eut à subir dès cette époque de la part des musulmans. Rien ne change, en Orient, car pendant mon voyage j’ai été à Tharsus et à Adana et ce que j’y ai vu, ce qu’on m’y a raconté, corrobore pleinement les lignes suivantes écrites, en 1335, parle frère prêcheur Jean de Vérone ; il arrive à Famagouste : « A l’heure de mon entrée dans le port, le 31 juillet, plusieurs grands navires et galères vinrent de la ville de Lajazzo en Arménie. Ces bâtimens étaient chargés de vieillards, d’enfans, de femmes, d’orphelins, au nombre de plus de quinze cents, qui fuyaient l’Arménie parce que le Sultan avait envoyé des forces nombreuses pour détruire cette province ; ses troupes avaient mis les campagnes à feu et à sang et emmené en captivité plus de 12 000 personnes sans compter celles qu’elles avaient massacrées. Seigneur Dieu ! Quelle tristesse de voir cette multitude éplorée se lamentant sur la place de Famagouste, ces enfans cherchant le lait sur le sein des femmes, ces vieillards et ces chiens faméliques poussant des gémissemens plaintifs. Puissent-ils entendre ces lamentations, les chrétiens qui, dans leurs cités et dans leur demeures, mangent, boivent, vivent au milieu des délices.... ! »