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Je suis de ceux qui se feront toujours scrupule de décourager les bonnes volontés sous quelque forme qu’elles se manifestent. Allez à la bataille, si vous le jugez bon, avec le bulletin de vote, je n’y vois rien à redire ; j’y suis allé, moi, comme électeur et comme candidat ; j’y suis allé comme candidat et j’y retournerai demain. Allez-y avec des piques, des sabres, des pistolets, des fusils ; loin de vous désapprouver je me ferai un devoir, le cas échéant, de prendre ma place dans vos rangs. Mais ne découragez pas les travailleurs quand ils tentent de s’unir pour une action qui leur est propre, à l’efficacité de laquelle ils ont les plus sérieuses raisons de croire... »

La différence entre ces deux langages n’est guère que celle-ci, que M. Briand admet plusieurs moyens, tout en recommandant particulièrement celui de la grève universelle, tandis que Benbow recommande uniquement celui-ci, (« sedens bellum conficiet ») et dit avec conviction : « N’en ayons qu’un ; mais qu’il soit bon. »

Mais le héros brillant, étincelant et fastueux du Chartisme fut un très grand seigneur, un membre de la plus haute aristocratie, un Graccus ou un Mirabeau insulaire, le très intéressant et très curieux, à quelques égards très sympathique, Feargus O’Connor. Il était ou se disait, et il n’y a pas de raison très décisive de le démentir, descendant de Roderic O’Connor, roi d’Irlande. En tout cas il était bien fils de Roger O’Connor et neveu d’Arthur O’Connor. Roger et Arthur s’étaient mêlés à l’agitation irlandaise de la fin du XVIIIe siècle. Arthur, exilé en France en 1803, avait été fort bien accueilli par le Premier Consul et nommé par l’Empereur général de division., Il avait épousé Élisa de Condorcet, la fille de l’écrivain philosophe et s’était retiré dans le Loiret, au château de Bignon, où était né Mirabeau. Roger, père de Feargus, était resté en Grande Bretagne où il avait mené une vie semée d’incidens aventureux.

Feargus O’Connor, député de Cork en 1832, était, je ne veux pas dire le modèle, mais le type de l’orateur populaire. Véhément, emporté, abondant, inépuisable, essentiellement théâtral, s’embarrassant peu des contradictions les plus évidentes et des palinodies les plus manifestes, pathétique, déclamatoire, personnel et se racontant et s’épanchant et se louant sans cesse, ce qui est un moyen aussi puissant d’action sur les foules qu’il est insupportable aux cultivés, il put se croire longtemps et il