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l’Enfant chargé de chaînes, par M. François Mauriac ; L’homme de désir, par M. Robert Vallery-Radot ; L’appel des armes, par M. Ernest Psichari ; et Les hasards de la guerre, par M. Jean Variot. Quatre volumes, dont je voudrais indiquer les analogies, et aussi les différences (car l’entente n’implique pas le sacrifice de chacun) et, plutôt que les analogies, l’accord.

Comment définir ces écrivains ? Je les appellerai des idéologues réalistes ; et je compte sur le rapprochement de ces deux mots, qui ne semblent pas destinés l’un à l’autre, pour marquer ce qu’il y a, résolument, de paradoxal dans leur doctrine. Ils sont des réalistes ; mais aussi la réalité ne leur suffit pas : et ils s’en échappent, pour aller quelquefois jusqu’au mysticisme. Ils sont des idéologues ; mais aussi la libre métaphysique leur est insupportable : et ils ramènent à la réalité une capricieuse rêverie. Ils sont des positivistes, en quelque manière ; et ils sont des doctrinaires, en quelque sorte. N’est-ce pas à peu près cela qu’on nomme à présent le pragmatisme ? Du reste, je n’oserais pas leur attribuer un système philosophique parfaitement lié : ces écrivains sont assez divers et, au surplus, ils n’ont pas un programme commun dont ils aient élaboré ensemble et partagé entre eux les articles ; puis ces écrivains sont jeunes et l’on aperçoit leurs tendances plutôt qu’on ne voit toutes leurs conclusions. Mais, leurs tendances, tâchons de les démêler.

Ne sont-ils pas conservateurs ? Ils le sont, et dignement : leur zèle se dépense à conserver ce que la plupart des novateurs se promettent de détruire ou prétendent qui est détruit. Réactionnaires ? Oui ; et, même s’ils refusent ce titre, je le leur décerne : ils réagissent contre leurs devanciers. La littérature à laquelle leurs devanciers montraient le plus d’attachement, c’était (en résumé) une littérature analytique et critique. Ils sont une jeunesse qui, au bout de l’analyse de plus en plus délicate et au bout de la critique de plus en plus audacieuse, a éprouvé un malaise de l’âme et de l’esprit, un malaise auquel ne remédiait pas le nihilisme ou le badinage. Je le comprends ! Peut-être avions-nous mené à son terme et comme à son achèvement notre charmant désespoir : qu’auraient-ils ajouté aux jeux malins de notre incertitude ? et, dans le champ de la plus élégante et subtile plaisanterie, que leur laissions-nous à glaner ? Puis, il faut, pour aimer un chagrin, l’avoir inventé ou croire qu’on l’invente : ils ont craint de ressasser le nôtre, sans plaisir. Et puis, notre littérature délicieuse qui se tenait. ou peu s’en faut, à l’écart de toute activité, qui avait l’air de s’amuser tout simplement, innocemment, n’a-t-elle pas, ces derniers temps, été