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Depuis quelques années, la science a recueilli des documens extrêmement troublans qui rendent non seulement possible mais probable l’existence ancienne de terres atlantiques immenses qui, peut-être même, réunissaient l’Europe à l’Amérique. Les grands sondages récens ont montré tout d’abord que l’Atlantique est une fosse dont les profondeurs sont extrêmement inégales. Très près de Gibraltar le fond descend à 4 000 mètres. Il se relève brusquement pour former le socle étroit qui porte Madère, puis retombe à 5 000 mètres, remonte à moins de 1 000 mètres près des Açores, se tient longtemps peu au-dessous de 1 000 à 3 000 mètres au sud et à l’ouest de celles-ci, avec de brusques saillies dont certaines approchent très près du niveau de la mer, plonge à nouveau profondément jusqu’au socle qui porte les Bermudes et s’enfonce à nouveau jusque vers l’Amérique. L’ensemble des sondages atlantiques montre finalement que le fond de cet océan est formé par deux immenses vallées contiguës, l’une, à l’ancien continent, l’autre, au nouveau, et que sépare une zone médiane surélevée.

Les Açores sont la partie la plus haute de cette zone médiane qui va de l’Islande jusque bien au delà de l’équateur.

La géologie nous apporte bien d’autres faits suggestifs : d’une part, la plupart des îles Atlantiques, Sainte-Hélène, l’Assomption, les îles du Cap-Vert, les Canaries, Madère, les Açores sont volcaniques, beaucoup encore en activité, et sont en majeure partie formées de lave. A plusieurs reprises des navigateurs ont constaté dans ces régions l’existence de volcans sous-marins et de mouvemens récens du sol, tant par des vapeurs chaudes sortant des ondes que par l’existence, reconnue à la sonde, de bas-fonds très différens de ceux qu’indiquaient les cartes. Dans les îles que nous venons de citer les mouvemens sismiques sont fréquens, souvent des îlots anciens y surgissent, d’anciens disparaissent. Tout cela tend à prouver que le fond de l’Atlantique est encore aujourd’hui une des zones instables de la planète.

Enfin il y a quelques années (en 1898), en procédant à un relevage du câble de Brest au Cap Cod qui s’était brisé, un navire a ramené de 3 000 mètres, avec ses grappins, des esquilles fraîchement arrachées de la roche et qui étaient formées d’une lave vitreuse que les pétrographes nomment tachylyte. Or, comme M. Termier l’a indiqué, une telle lave n’a pu se former dans la forme vitreuse que sous la pression atmosphérique ; sous une pression plus forte, et a fortiori sous 3 000 mètres d’eau, elle aurait certainement pris la forme cristalline. Les études les plus récentes ne laissent pas le moindre doute à ce sujet.