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le relief, l’éclat. Quand l’érudit a réuni les matériaux, l’artiste insuffle la vie. Ainsi l’histoire complète le conscient par l’inconscient : ut pictura poesis, ut poesis historia.


Précisément parce qu’on place très haut cet idéal de l’histoire, à savoir la recherche de la vérité jusqu’en son intime essence, il n’en est que plus facile de reconnaître l’importance des instrumens de précision destinés à fournir à l’historien des données exactes et positives.

La science de la documentation est la résultante de plusieurs sciences dont elle enregistre et totalise les travaux : la paléographie, la philologie, la critique des textes, la numismatique, l’archéologie, etc. Tout est document pour l’histoire ; rien n’est hors de son domaine.

On dit avec raison que la géographie et la chronologie sont les deux yeux de l’histoire. La naissance, le développement et la prospérité des sociétés humaines dépendent nécessairement de la nature du sol ; les relations entre les peuples tiennent surtout à leurs positions respectives sur la planète. L’histoire politique n’est rien autre chose qu’une « économique, » puisqu’elle est, en somme, le récit de la conquête de la terre pour la subsistance. « Qui terre a guerre a, » disait le vieux proverbe ; que n’ajoutait-il : « qui n’a terre a guerre. » Car le pauvre se bat pour envahir, si le riche se bat pour se défendre.

« L’histoire-bataille, » si gravement incriminée, reprend ainsi sa réelle importance. La guerre entre les nations parait barbare à ceux qui prêchent l’hostilité des classes : au fond, c’est la même chose. Chez l’homme, animal laboureur, la lutte pour la terre est un conflit de subsistance. Reculer la borne-frontière, c’est agrandir le champ. Il faudrait une amélioration prodigieuse des procédés économiques pour suspendre cette concurrence entre les peuples ; la lutte pour les salaires en est un incident et n’aura nullement pour effet d’y mettre fin.

La terre impose à l’homme son empreinte : connaître la géographie, c’est déterminer, par l’habitat, les dispositions physiologiques et psychologiques des races. Les études de « géographie humaine » ont pris, dans ces derniers temps, un grand essor : c’est qu’elles révèlent souvent les aspirations secrètes et les mouvemens obscurs des multitudes. Elles permettront de