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VISITES AUX VILLES D’ART SEPTENTRIONALES[1]
LA PEINTURE À GAND

Fiers à juste titre de leurs beaux peintres actuels : Baertsoen, Claus, Delvin, van Rysselberghe, les Gantois s’enorgueillissent aussi de vivre au berceau de la peinture flamande. Ne les accusons point de mégalomanie. Hiéronymus Münzer, médecin nürembergeois de la fin du XVe siècle, décrivant l’Agneau Pascal dans ses notes de voyages (1495), ne dit-il pas qu’on y trouve « tout l’art de peindre ? » Au bord de la prairie divine où l’Agneau s’immole, les peintres du Retable dressent la Fontaine de vie épanchant ses ruisselets argentés. Et le chef-d’œuvre tout entier est resté pour l’art septentrional une source d’études et d’enthousiasme, la Fons vitæ. L’Italie eut les fresques de Masaccio ; la Flandre eut le polyptyque des van Eyck. Encore les synthèses monumentales de la chapelle des Brancacci s’annoncent-elles chez Giotto ; mais où trouver un précédent à l’épopée religieuse de l’Agneau ? L’œuvre d’affranchissement des artistes septentrionaux de la fin du XIVe siècle est grande et captive à raison la critique. Mais entre les tentatives les plus heureuses des miniaturistes déchirant les entraves du formalisme scolastique et les réalisations définitives des frères van Eyck, la distance reste telle que l’esprit, pour se satisfaire, s’arrête encore à l’idée de la révélation. Pourtant ce mystère n’absorbe point tout l’intérêt de l’école gantoise, et puisqu’une

  1. Voyez notre article : La Peinture à Bruges, dans la Revue des Deux Mondes du 1er octobre 1912.