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et qui oublie de surveiller sa grâce, pour cette élégance de tous les corps qui n’empêche point des émois sublimes de se répandre sur les visages. Rubens et van Dyck figurent au Musée, le premier avec un grand Saint François peint pour les Récollets, avec l’esquisse de sa Flagellation d’Anvers et celle de sa Chasse d’Atalante de Madrid ; le second avec un petit portrait en grisaille du peintre van Stalbent. Il n’est point trop téméraire, pensons-nous, de tenir pour une œuvre de jeunesse du grand disciple le tableau Jupiter et Antiope du Musée qui a, par endroits, la pâte ardente de van Dyck débutant. — Des nombreuses toiles de Jordaens au Musée, une seule doit être signalée, l’admirable étude : Deux têtes d’homme. De tels modèles enthousiasmaient le jeune van Dyck plus que toute autre peinture.

Rubens, van Dyck et Jordaens n’avaient pu travailler qu’exceptionnellement pour Gand. On fit appel à d’autres maîtres anversois : H. van Baelen, Zeghers, Rombouts, van Thulden, Érasme et Jean Quellyn, Boeckhorst, Thys Boyermans, etc. De Gérard Zeghers (1591-1631), disciple du Garavage et de Manfredi, on voit à l’église Saint-Pierre une Résurrection de Lazare et un Christ guérissant un aveugle, modelés avec puissance, à Saint-Michel une Flagellation qui ne vaut pas celle de Rubens, et au Musée un Songe de saint Joseph, dure variante d’un tableau très caravagesque du même Zeghers, conservé à Berlin. — A Théodore Rombouts (1597-1637), autre admirateur du Caravage, les échevins gantois commandèrent pour une salle de justice de l’Hôtel de Ville une grande Allégorie qui groupe, aux pieds de la Pucelle de Gand, des Vertus, des soldats, l’Escaut et la Lys. Et cet ensemble (aujourd’hui au Musée) est le plus monotone du monde. Du même peintre nous préférons les Cinq sens (au Musée également) sans en aimer toutefois les bleus criards. — De van Thulden (1606-1676), la magnifique église Saint-Pierre possède trois grandes toiles d’après les Triomphes de l’Église de Rubens et l’église Saint-Michel un bon Martyre de saint Adrien que l’on tient pour un chef-d’œuvre de cet artiste en qui nous voyons surtout un peintre de genre méconnu (sa Kermesse de Bruxelles n’est pas loin de rivaliser avec celle de Rubens). — Jan Boeckhorst (1605-1668), dit Lange Pier (Long Pierre), maître peu cité de la pléiade rubénienne, se fait connaître avantageusement dans les églises gantoises. Nous avons de la peine à