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REVUES ÉTRANGÈRES

L’AUTOBIOGRAPHIE D’AUGUSTE BEBEL


Ans meinem Leben, vol. ! et II, par Auguste Bebel, Stutgart, 1911[1].


Je crois aussi peu que possible à l’aphorisme d’après lequel tout homme serait l’artisan de sa propre fortune. L’homme ne fait jamais que suivre la poussée des circonstances, se bornant à agir comme le lui enjoignent les conditions au milieu desquelles il se trouve placé. Et pareillement il nous est le plus souvent impossible de prévoir les conséquences de nos actes présens ; c’est plus tard seulement que nous découvrons où ils nous ont conduits. Un pas que nous faisons à droite nous entraîne dans une situation toute différente de celle où nous aurions abouti en faisant un pas à gauche, — différente et quelquefois infiniment meilleure, ou encore infiniment pire... D’où résulte que ce qu’on appelle l’ « enfant de ses œuvres » n’existe que dans une mesure bien restreinte. Des centaines d’autres hommes mieux doués que celui qui nous paraît s’être élevé par ses propres forces demeurent dans l’obscurité et périssent misérablement, parce que des circonstances défavorables les ont empêchés d’utiliser avec fruit leurs dons naturels.


Les quelques lignes qu’on vient de lire sont, je crois bien, le seul passage d’ordre « spéculatif » qu’ait à nous offrir l’autobiographie d’Auguste Bebel : mais le fait est que leur parfaite justesse nous est amplement confirmée, une fois de plus, par l’ensemble même du récit qui les environne. Car c’est chose à peu près certaine désormais, pour le lecteur des deux volumes de Souvenirs du défunt leader socialiste allemand que, si jadis, pendant l’enfance de celui-ci, sa mère l’avait autorisé à se couper de plus grosses tranches de pain, la situation

  1. Le récit du tome II s’arrête en 1878. Un troisième et dernier volume se trouvait en préparation au moment de la mort d’Auguste Bebel.