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galeries se sont avancées à plus de 5 kilomètres de la plage et les voies transversales qui les relient entre elles ont avec elles un développement aussi grand que celui du tunnel projeté sous la Manche. Jamais l’eau n’a pénétré sous ces mines et la confiance des mineurs de la contrée contre l’invasion de la mer est telle qu’ils se vantent d’atteindre quelque jour la côte d’Irlande qui est à 100 kilomètres de distance, et quoique la mer qu’il faudrait traverser soit infiniment plus profonde que la Manche.

Mais mieux que par comparaison, nous avons maintenant par expérience des données beaucoup plus précises en ce qui concerne la possibilité de creuser le tunnel sous-marin.

Les études géologiques qui ont été faites par les géologues des deux pays, les nombreux forages et sondages qui ont été exécutés des deux côtés du détroit lui-même ont complètement éclairci la nature du sol et fait connaître minutieusement la composition de chaque couche et l’agencement des assises entre elles.

Si nous remontons un peu plus loin que l’époque actuelle, nous nous rendrons mieux compte des vicissitudes qu’a subies le détroit du Pas de Calais, pendant les temps géologiques, et nous comprendrons mieux ce qu’il est aujourd’hui et comment il est constitué.

Le détroit, comme le monde lui-même, est loin d’avoir eu dans le passé la physionomie qu’il a actuellement. Il se transforme sans cesse par des actions plus ou moins lentes, mais suffisantes pour que nous en soyons les témoins : nous constatons, par exemple, que le détroit actuel ronge de chaque côté environ 20 mètres par siècle, c’est-à-dire au total 40 mètres environ par siècle.

A l’origine et sans remonter au delà de l’époque géologique qu’on appelle l’époque crétacique, c’est-à-dire l’époque de la couche de craie dans laquelle les études actuelles indiquent qu’il faut placer le tunnel, la région du détroit était toute différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Une mer, qu’on appelle la mer cénomanienne, couvrait tout le Sud-Est de l’Angleterre, tout le Nord de la France jusque bien au delà de Paris et du Mans ; seule une partie du Cotentin et le pays de Galles émergeaient, ainsi que le massif de l’Ardenne et la Belgique qui ne s’était pas encore affaissée.

Après cette époque, c’est-à-dire bien après l’époque cénomanienne,