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D’autres ont exprimé ton enfance tranquille...
Moi, j’ai mis sur ton sein de pâles violettes,
Et je t’ai peinte, Hellas, alors qu’un Dieu jaloux,
Arrachant de ton front les saintes bandelettes,
Sur le parvis rompu brisa tes blancs genoux.

Dans le monde assombri s’effaça ton sourire ;
La grâce et la beauté périrent avec toi ;
Nul au rocher désert ne recueillit ta lyre,
Et la terre roula dans un obscur effroi.
Et je t’ai célébrée, ô fille des Charités !
Belle et pleine d’amour en tes derniers momens,
Pour que ceux qui liront ces paroles écrites
En aiment mieux la vie et soient doux aux amans.


Certes, ces vers sont beaux ; ils sont même admirables de couleur antique et de mouvement ; mais, ô subtil, ô ingénieux « enfant latin » que vous êtes, n’avez-vous pas déjà oublié votre promesse ? Et est-ce là ce que vous appelez « faire le rêve des âges de foi, » et en parler le langage ?

Et ce n’est pas tout. Dans la suite du poème, Hippias, séparé de sa fiancée par un vœu imprudent de la mère de Daphné, se livre aux imprécations que voici :


Dieu des Galiléens ! Je ne te cherchais pas.
O fantôme ! tu viens te dresser sur mes pas,
Tu lèves contre moi ta droite ensanglantée !
Ecoute, Prince impur d’une race infestée : …
Je t’ai cru bon, pareil à ces rois de l’éther
Qui pensent hautement et pour qui l’homme est cher.
Je te connais enfin. Esprit gonflé d’envie,
Spectre qui viens troubler la fête de la vie,
Mauvais démon, armé contre le genre humain.
Qui fais traîner le chant des pleurs sur ton chemin.
Dieu contempteur des lois, puissant par la magie,
O prince de la mort, dont la froide énergie
Ne vaut que pour glacer nos vierges en nos bras !...


Rapprochons ce dernier vers de ceux de l’Adieu que nous citions tout à l’heure. Daphné aura beau calmer ensuite et réfuter — mollement — Hippias : nous voyons désormais clairement ce que M. France reproche en son propre nom au « Dieu des Galiléens. »

Il est assez surprenant, à première vue, que M. Anatole France, après avoir écrit ce beau poème dramatique des Noces