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ou paru le croire un instant, c’est la seule chose qui importe en ce moment.

Un joli conte bleu, Abeille, d’intéressantes impressions de voyage. En Alsace, — elles n’ont pas été recueillies en volume, — enfin le Livre de mon ami suivirent le Crime de Sylvestre Bonnard. Le Livre de mon ami est, pour une large part, sous une forme à peine romancée, un délicieux recueil de souvenirs d’enfance : on peut y puiser à pleines mains, — et nous n’avons pas manqué de le faire, — pour retracer la biographie morale, et même matérielle, de son auteur. M. Anatole France a l’art et la vocation de se raconter lui-même. Le jour où il voudrait écrire ses Mémoires, il n’aurait guère qu’à copier et à extraire nombre de pages de presque tous ses livres.


« Je suis, écrivait-il au début du Livre de mon ami (188S), je suis au milieu du chemin de la vie, à supposer ce chemin égal pour tous et menant à la vieillesse. » Ses écrits jusqu’alors s’étaient succédé sans hâte, sans fièvre. Ils lui avaient conquis l’attention, l’estime, la sympathie, et même l’admiration des connaisseurs et des lettrés, ainsi qu’en témoignent les articles contemporains de M. Maurice Barrès à la Jeune France, de Robert de Bonnières au Figaro et de M. Jules Lemaitre à la Revue Bleue ; en raison de leur nature même, ils n’avaient pas, ou ils n’avaient guère touché le grand public, celui qu’on atteint par le livre à gros succès et à gros tirage, ou par la grande revue, et, plus sûrement peut-être encore, par le journal. C’est à ce moment-là, — mars 1886, — qu’au Temps où il avait déjà, de loin en loin, donné quelques articles, M. Anatole France fut chargé d’une chronique régulière, d’abord sur la Vie à Paris, puis sur la Vie littéraire. La gloire dont il rêvait tout enfant allait maintenant lui venir.


VICTOR GIRAUD.