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dans leur état antérieur. Pour les voies de moindre importance, il était enjoint aux riverains de laisser assez d’espace » pour que les charrettes y pussent passer sans forcer les gens de pied et les cavaliers à rétrograder. »

Sans routes de traverse, les habitans qui n’avaient pas l’avantage d’être à portée des grands chemins n’étaient pas dans le cas d’en profiter ; on défendait cependant d’affecter à l’ouverture de ces « communications particulières » les ressources, déjà bien limitées, des routes principales : le budget des ponts et chaussées de trois départemens actuels, en 1779, tant en corvées qu’autrement, ne montait qu’à 50 000 francs. Aux « chemins finerots, » les paroisses champêtres, à qui incombait leur entretien, ne consacraient guère plus de 15 ou 20 francs par an ; les Etats de quelques provinces déployèrent à cet égard une intelligente sollicitude, activant seigneurs, curés et assemblées rurales, soldant un corps d’ingénieurs pour dresser des devis et présider aux détails d’exécution.

Malgré tout, les chemins vicinaux restèrent à l’état de projet aussi bien sous l’ancien régime que sous la première République, l’Empire et la Restauration. Il n’en existait peut-être pas 1 000 kilomètres dans toute la France, en 1824, qui fussent praticables pendant l’hiver ; tandis que, depuis cette date jusqu’à la fin du XIXe siècle, il fut construit 685 000 kilomètres classés par la loi de 1837 dans le réseau vicinal, sans parler des 1 600 000 kilomètres de chemins ruraux dont une bonne partie est maintenant en état de viabilité.

Quoique améliorées, les grandes routes elles-mêmes étaient loin de la perfection : de Paris à Dieppe, de Rouen au Havre et à Caen, les chaussées présentaient des lacunes de 5 et 6 kilomètres. Après avoir parcouru, depuis Limoges, la route postale de Lyon à Bordeaux, Vergniaud écrivait en 1789 : « Je ne crois pas que les chemins de l’enfer puissent être plus mauvais que ceux du Périgord ; je suis arrivé tout meurtri, après des cahotemens qui m’ont secoué les entrailles »


IV

Sans doute Vergniaud voyageait en diligence, il ne se voyait guère d’autres véhicules : « Tout aujourd’hui, dit Arthur Young