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Pointis était ravi de ce dénouement inattendu. L’hostilité des indigènes, caractérisée depuis N’Kreïla par les espaces déserts, lui avait suggéré de tardifs regrets et de fâcheux pronostics. L’inopportunité d’études agricoles, de recherches minières ou de projets commerciaux lui était apparue évidente, tandis qu’il cheminait sur la route de Camp-Marchand. Il ne voyait alors, à son voyage intempestif, d’autre dénouement que l’assassinat inévitable à quelques centaines de mètres du poste, ou le retour immédiat sous la protection d’un convoi. Et, soudain, la rencontre fortuite d’un ami oublié supprimait tous les obstacles. Il pouvait désormais attendre les événemens derrière les épais talus d’une enceinte bien gardée. Ces événemens étaient proches, affirmait Imbert en lui imposant le tour du propriétaire dans son camp bouleversé.

Des paillotes misérables, des tentes pourries, des taudis immondes aux parois lézardées, à la toiture vacillante, se dressaient sans ordre sur un sol noir, où des sentiers pavés de cailloux pointus exposaient les chaussures à des épreuves redoutables, et les chevilles délicates à des froissemens douloureux. Mais, dans un coin, des constructions coquettes s’élevaient autour d’une petite cour encombrée de matériaux. Quelques soldats européens dressaient les murs, tandis que des files de tirailleurs sénégalais portaient, comme de patientes fourmis, des briques crues posées en équilibre sur leurs chéchias : « Vous comparez ces cahutes à nos jolis postes du Tonkin ? Elles sont pourtant notre œuvre, dit Imbert avec orgueil. Depuis un mois que mes Sénégalais sont ici, voilà ce que nous avons fait. » Il montrait les Maisonnettes basses et blanches, coiffées de paille sur leurs tôles neuves, que dominait le mât de pavillon : « Et voilà ce qu’Ils nous ont laissé, après un an d’occupation ! » acheva-t-il avec un haussement d’épaules dédaigneux. Ils, c’étaient ses prédécesseurs, dont la liste était déjà longue. Et il fulminait contre les marabouts, enterrés pour les rendre invulnérables, doublés pour les rendre frais, surélevés pour augmenter leur capacité : « Ces toiles en loques, ces trous à rats, ces nids à puces, voilà tout ce qu’Ils ont trouvé comme dernier cri du confortable ! D’ailleurs à passer ici comme des météores, ils n’ont pas même pu s’occuper de pacifier les environs de Camp-Marchand. Vous ne croirez pas sans peine, mon cher, qu’il y a ici 800 fusils et 2 canons ; que le même effectif est stationné à Maaziz, éloigné