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vrai, il est inquiétant. Est-il vrai ? Tant de bruits courent et il est si difficile d’en contrôler l’exactitude, qu’il est sage de suspendre son Jugement jusqu’à plus ample informé. Il est toutefois trop certain que l’Autriche ne prend pas son parti des événemens accomplis et que l’agrandissement de la Serbie reste pour elle un sujet d’irritation et d’appréhension. Il faudrait qu’elle changeât complètement sa politique balkanique pour dissiper une fois pour toutes le cauchemar qui subsiste : par malheur, rien ne fait prévoir ce changement et, tout au contraire, l’Autriche s’obstine dans les erremens où elle a déjà trouvé tant de déboires. Si la Bulgarie avait été victorieuse des Serbes et des Grecs, comme on l’espérait peut-être à Vienne et comme on l’y souhaitait certainement, la situation des Balkans aurait pris une face nouvelle : c’est le fait contraire qui s’est produit. L’Autriche, faute de mieux, mettrait-elle maintenant ses espérances dans l’Albanie ? Reprendrait-elle le même jeu avec de plus mauvaises cartes ? Il faudrait, pour le croire, en avoir d’autres preuves que celles que nous avons. L’agression des Albanais contre les Serbes s’explique suffisamment par leurs sentimens connus et leurs habitudes invétérées. Les Albanais ont remporté quelques premiers succès qu’ils doivent à la surprise des Serbes et à la faiblesse des forces que ceux-ci entretenaient sur la frontière ; mais il y a tout lieu de croire que ces succès seront éphémères. Les Serbes ont une armée organisée à l’européenne, exercée, entraînée, qui doit de faire ses preuves. Quelque braves qu’ils soient, les Albanais, à eux seuls, ne peuvent pas grand’chose hors de leurs montagnes où il est dangereux d’aller les chercher, mais d’où il est dangereux pour eux de sortir. Ils ne deviendraient redoutables que s’ils étaient appuyés ; mais, alors, des complications plus redoutables encore surgiraient et ni l’Autriche ni l’Italie ne s’en désintéresseraient ; elles ont déjà reculé l’une et l’autre devant cette éventualité à laquelle elles ne se jugent pas suffisamment préparées. Voilà pourquoi, jusqu’ici du moins, les échauffourées albano-serbes ne nous apparaissent pas comme l’étincelle qui mettra le feu au monde. Mais on voit combien la situation reste troublée et troublante. Quand la paix se fait sur un point, la guerre recommence sur un autre. Le sang continue de couler et, lorsqu’il aura cessé de le faire, des intrigues politiques, obscures, mais actives, prépareront un avenir que les yeux les plus perspicaces n’aperçoivent pas encore dans l’horizon qu’ils peuvent embrasser.

A l’intérieur, peu de chose à signaler. Les vacances ne sont pas un