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pouvoir ? Ses chefs y comptaient certainement, mais l’habileté du comte de Romanones et la volonté résolument réformatrice du Roi s’unirent pour dénouer la crise par une décision plus imprévue ; les libéraux demeurèrent au gouvernement, renforcés par le choix mûrement délibéré du souverain. C’est là, dans l’histoire récente de l’Espagne, un fait d’importance qu’il convient de souligner ; la monarchie tente une expérience ; elle veut se faire plus démocratique et par là, dans un peuple en fermentation de progrès, plus nationale ; elle estime qu’elle doit devenir, si l’on peut ainsi dire, la meilleure raison sociale de l’Espagne moderne. M. Maura aurait proposé au Roi, croit-on, de gouverner sans les républicains ; il ne souhaite pas ajourner les réformes, mais il préfère les octroyer de haut, suivant la méthode que le XVIIIe siècle appelait le despotisme éclairé ; on le lui a vivement reproché en Catalogne, où quelques-uns en veulent aux libéraux de s’attaquer au régime protectionniste, mais où personne n’a de goût non plus pour les allures autoritaires. Le comte de Romanones a plus de moelleux dans le doigté : extrêmement fin, accueillant et pourtant volontaire, parlementaire délié, homme de lettres qui aurait pu présider l’Athénée de Madrid, homme du monde passé maître dans l’art subtil des entretiens et des réceptions, il s’est donné la tâche d’orienter son pays dans la voie des réalisations.

De part et d’autre des partis monarchistes, les carlistes et les républicains font une opposition plus théorique qu’active. Les premiers auraient peine à inventer un prétendant ; ils s’associent donc, ici aux champions des libertés provinciales, ailleurs aux cléricaux intransigeans, aux intégristes ; dans quelques vieilles familles, le carlisme est porté comme une élégance, faute d’autres qui coûteraient plus cher ; il est bien difficile de voir là un parti organisé, redoutable au gouvernement. Les républicains ne sont pas moins divisés ; dans leurs rangs figurent des hommes de science et de caractère, universellement respectés, tels que don Gumersindo de Azcarate, professeur à l’Université de Madrid, et l’illustre physiologiste Ramon y Cajal ; ceux-là ne sont pas des révolutionnaires et, sans rien abdiquer de leurs préférences, n’hésiteront jamais à seconder toutes les initiatives libérales de la monarchie ; d’autres sont des parlementaires, dont l’éloquence soulève parfois des auditoires enthousiastes, mais dont l’action sur le