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A cette époque, en 1625, celle-ci n’était plus duchesse de Luynes. Son mari étant mort à la fin de l’année 1621 et à temps, semble-t-il, pour ne pas subir la disgrâce qui le menaçait, elle s’était vue éloignée de la Cour par l’ordre du Roi qu’avait irrité son rôle auprès de la Reine et scandalisé sa liaison avec le duc de Chevreuse. Mais, cet éloignement n’avait pas été de longue durée. Assurée de l’amitié passionnée d’Anne d’Autriche qui ne cessait de la regretter et souhaitait vivement son retour, elle avait recouru, pour rentrer en grâce, au moyen le plus prompt et le plus décisif. Prince de Lorraine, pair, grand chambellan de France, gouverneur d’Auvergne, son amant le duc de Chevreuse était l’objet de la bienveillance particulière de Louis XIII ; il la devait aux services qu’il lui avait rendus et à sa fidélité. Outre qu’en épousant ce grand seigneur, la jeune veuve s’assurait la protection d’une famille opulente, considérée, alliée aux Stuarts et que le roi de France était tenu de ménager, elle obligeait ce prince à la rappeler à sa Cour, car il n’aurait pu maintenir contre la femme du duc de Chevreuse la décision qui avait frappé la veuve du duc de Luynes. Elle avait pour ces raisons demandé à son amant de l’épouser. A l’envoyé porteur de sa requête, il avait répondu par un refus. Mais, à sa première entrevue avec sa maîtresse, il s’était trouvé hors d’état de lui résister et le même jour, le Roi recevait d’elle une lettre lui annonçant son prochain mariage et sollicitant, suivant l’usage, son autorisation.

Quoique mécontent, surtout lorsqu’il avait appris que, sans attendre sa réponse, elle s’était fait conduire à l’autel, il avait fini par accepter ce qu’il ne pouvait plus empêcher ; il avait même pardonné par égard pour le duc de Chevreuse, qui était en train d’acquérir de nouveaux droits à sa reconnaissance en s’efforçant de faire aboutir les négociations engagées entre la cour de France et la cour d’Angleterre, en vue du mariage de sa sœur Henriette avec le prince de Galles, fils de Jacques Ier. Louis XIII souhaitait vivement cette alliance matrimoniale et le souverain anglais honorait de son amitié le duc de Chevreuse, circonstance d’où ce négociateur tirait une autorité particulière pour seconder les vues du Roi son maître. Tenir rigueur à sa femme eût été imprudent et inopportun. Louis XIII avait donc pratiqué envers elle le pardon et l’oubli, et il dut s’en féliciter, lorsqu’on 1625, les deux Cours s’étant enfin accordées