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de Fiume, avec sa position merveilleuse comme point de départ d’un fructueux cabotage. Bon an mal an, les deux vilayets faisaient sans doute pour une vingtaine de millions d’affaires à l’extérieur, dont un tiers en vente et deux tiers en achats. L’Autriche se maintenait au premier rang, distançant de bien loin ses concurrens et notamment sa jeune rivale et alliée.

En sera-t-il de même demain ? on ne peut douter que la lutte va être menée à fond par l’Italie, et c’est à Vallona que celle-ci dirige ses plus vifs efforts ; à Scutari ou à Durazzo, elle tra- vaille ; à Vallona elle veut vaincre. L’endroit est bien choisi ; à six heures de Brindisi et de Bari, sous le même ciel et le même climat que celui où vivent en Italie les Albanais émigrés, dans un milieu où le catholicisme ami de l’Autriche est absent. Mais, à vrai dire, toutes ces circonstances sont bien secondaires ; si l’Italie a les yeux fixés sur Vallona, c’est que la question de Vallona est une question capitale pour sa politique. Je dirai volontiers qu’elle abandonnerait sans doute les cinq sixièmes de l’Albanie, si l’on voulait lui laisser le dernier sixième avec Vallona, et j’exagérerai à peine si j’ajoute que la Triple Alliance a été acceptée par l’Italie comme une assurance de n’être pas rejetée de cette rive.


La valeur que la rade de Vallona représente dans l’Adriatique ne saurait être trop mise en lumière. Dans cette mer, la politique autrichienne a su se réserver au cours des siècles tous les bons ports : Trieste, Fiume, centres commerciaux, Pola, Sebenico, ports militaires et Cattaro, dont les merveilleuses bouches auraient une valeur sans pareille, si le Monténégro ne les dominait pas du haut du mont Leoven, En dehors de ces rades, que reste-t-il ? En Italie, Venise où l’on a créé tout un appareil défensif, mais qui, avec des accès facilement ensablés, ne peut prétendre à un rôle offensif, Ancône et Bari, ports de commerce ouverts et qui ne sauraient devenir ports militaires, Brindisi, où l’Italie a fait porter ses efforts, mais qui n’est qu’un pis aller comme port de guerre et incapable de contenir une flotte de haut bord. Il a donc fallu que le royaume organisât son grand port défensif et offensif à Tarente, à l’extrémité de son territoire et au delà du canal d’Otrante, porte de l’Adriatique.