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personne votre très humble et très obéissante servante. — Arpajon, comtesse de Noailles. » Le contrôleur général trouverait ici une occasion excellente de faire sa cour à la Reine et de s’assurer quelque faveur, en laissant carte blanche à Mique pour les travaux de Trianon. Mais il a la mauvaise grâce d’y voir clair en ces projets ; il s’informe et s’aperçoit, sur les rapports demandés à l’architecte, que le jardin exige une première mise de fonds de deux cent mille livres, et qu’il y a déjà de fortes dépenses engagées, cinquante mille livres par exemple pour les seuls gazons. Il n’accorde aucun supplément pour ces ouvrages sans urgence, qui demeureront suspendus jusqu’à l’automne de l’année suivante.

Le crédit s’use vite du ministre philosophe, dont l’œuvre financière poursuivie avec suite pourrait sauver la monarchie de bien des dangers qui la menacent. Les privilégiés de cour sont ligués contre l’ennemi des abus, et c’est maintenant la Reine qui est à leur tête, dissimulant à peine son mécontentement personnel contre Turgot. En quelle mesure lui garde-t-elle rancune pour les affaires de Trianon ? Peut-être un peu de complaisance pour ses fantaisies l’eût-il inclinée à s’indigner moins des réformes qui atteignent les gens de son entourage et qui lui sont dépeintes comme autant d’arbitraires vexations ou de fâcheux passe-droits. En tout cas, Marie-Antoinette s’est plainte au Roi des retards apportés à l’exécution de son jardin anglo-chinois ; elle a obtenu que des ordres formels fussent donnés au contrôleur général pour mettre cent mille livres à sa disposition. L’ordonnance est du 27 août 1775, et Mique reprend bientôt ses ouvrages restés en souffrance pendant toute une année. Il ne touche pas encore aux serres placées à l’ouest du petit château ; mais il achève la belle pelouse au pied de la façade du nord et fait exécuter, dans la partie qui (longe l’avenue, la fouille de la rivière, dont le tracé forme la grande ile et qui doit se replier plus tard vers les collines. Il aménage un petit bois pour la promenade et présente en même temps à la Reine, habituée désormais à passer de fréquens après-midi à Trianon, un grand jeu de bague chinois qu’elle a désiré.

M. de Caraman cependant demeure à l’écart. Il le raconte sans nulle aigreur : « M. Mique suivit ou ne suivit pas mes plans ; mais il avait la charge et la disponibilité des fonds, et petit à petit on oublia et je laissai oublier mes plans de Trianon ;