Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remercie avec la plus tendre reconnaissance de cette prière que vous avez faite pour moi, au milieu de votre lecture. C’est à cela que j’ai reconnu l’amie, la véritable amie, l’amie chrétienne et fidèle, sur laquelle je peux compter désormais avec une entière confiance.

Sachez, pour votre consolation comme pour la mienne, que j’ai déjà été récompensé de ma fatigue. Mes discours avaient été dénoncés à Rome par de violens et puissans adversaires. Le nonce à Bruxelles, Mgr Béduchowski, s’était rendu l’organe de ces accusations. Mais elles n’ont point été écoutées et j’ai entre les mains une lettre du cardinal Antonelli au ministre de l’État belge, M. Deschamps, qui me rassure complètement. Je vous transcris cette phrase en italien : « Pur quanto e a mia cognizione, non si e qui pensato d’istituire un esame sul merito de principii trattati dall’illustre di lei amico nel suo eloquente discurso di Malines. Laonde mio la excellenza vestra essere su cio pienamente tranquilla. » Pardon, chère comtesse, de ces longs détails personnels. Ils vous paraîtront justifiés par votre intérêt si vif et si cordial pour tout ce qui me touche : vous me l’avez encore témoigné, de la façon la plus propre à m’émouvoir, par tout ce que vous m’écrivez sur ma fille Catherine. C’est d’aujourd’hui en huit qu’aura lieu sa prise d’habit. L’évêque d’Orléans, quoique toujours fort souffrant, a bien voulu me promettre de présider à cette cérémonie si douloureuse pour moi : il trouvera, j’en suis sûr, des paroles destinées à me consoler sur ce texte que je lui ai proposé, et que j’ai trouvé dans l’évangile de la vocation des fils de Zébédée : « Et statim, relictis retibus cum patre, secuti sunt Jesum. » Faut-il vous l’avouer, chère Comtesse, et compatissante amie, je suis toujours inconsolable de la perte de cette fille chérie.

Je n’ai point encore fait mon sacrifice ; je me soumets à la volonté de Dieu ; je n’ai point lutté contre la volonté de ma fille, autrement que pour obtenir ce délai qu’elle m’a refusé ; mes larmes coulent toujours.. J’ai beau me raisonner en chrétien et en père, qui n’a plus longtemps à vivre et qui doit préférer à tout le bonheur de son enfant ; je ne réussis pas à me donner les dispositions de cœur et d’esprit que je voudrais. Je ne puise quelques forces que dans la lecture de ses lettres, que je trouve de plus en plus admirables et qui respirent le bonheur le plus pur. Elle écrivait déjà un mois après son entrée : « La